« La petite robe de Paul » de Philippe Grimbert

Petit intermède avec la lecture de deux romans de Philippe Grimbert prêtés par une amie et pour commencer :

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Quatrième de couverture

Paul n’a jamais rien caché à sa femme. Un jour, il est irrésistiblement attiré par une petite robe blanche exposée dans la vitrine d’un magasin. L’irruption de ce vêtement d’enfant dans l’univers feutré d’un couple sans histoires va soudain produire des effets dévastateurs et réveiller de vieux démons.

De quels secrets la petite robe blanche est-elle venue raviver la blessure ?

 

Ce que j’en pense

L’auteur raconte comment un achat, plus ou moins sous le coup d’une impulsion, car Paul arpentait les rues d’un quartier qu’il ne connaissait pas, lors d’un stage de formation, lorsque la petite robe blanche l’attire de façon irrésistible. Il va la regarder durant plusieurs jours, mais cela devient obsédant et il va céder à cette pulsion : c’est une évidence de même que la taille qu’il demande : six ans.

Cet acte le rend tellement perplexe qu’il cache la robe dans son côté de la penderie sans la montrer à sa femme qui bien sûr va tomber dessus et imaginer le pire : une double vie, un autre enfant, une autre femme… et tout le cortège de pensées obsédantes lié au doute qui s’insinue. « … Le tourbillon des pensées obsédantes refusait de se laisser chasser ». P 47

Cette petite robe va entraîner des réactions en chaîne, un effet domino et des blessures secrètes, inconnues de l’autre vont faire brusquement irruption dans le présent, libérant des secrets chez les deux et des émotions enfouies. Comme si c’était un geste téléguidé par l’inconscient pour mettre à jour tout un héritage de souffrance familiale.

Ce roman m’a beaucoup dérangée et pourtant j’aime les secrets de famille, car la description des souffrances liées à la stérilité, aux stimulations ovariennes et autres inséminations, les fausses couches et leur impact sur la vie affective et sexuelle du couple ont réveillé des vieux démons : quel est le statut de la femme stérile ? en a-t-elle un d’ailleurs ? et le corollaire : le travail de deuil de l’enfant espéré, fantasmé.

Grimbert décrit très bien, avec beaucoup de sensibilité ce parcours et ses conséquences : silence, dépression qu’on cache, les médicaments pris en cachette pour l’une, tandis que l’autre semble se faire une raison si facilement (trop).

Par contre, j’ai ressenti un malaise grandissant, probablement un écho avec ma propre histoire, et presque de la répulsion par moment, devant l’attitude d’Irène, sa violence envers elle-même, et sa personnalité un peu limite.

Bien-sûr, rien n’est laissé au hasard: la couleur blanche, la taille, les obsessions, les nombreux rêves…

Ouvrir le placard de l’autre, c’est comme lire son journal intime, c’est une effraction, on ouvre la boîte de Pandore….

Le style de l’auteur est toujours aussi percutant, mais on sent une distance, un peu comme s’il décrivait un cas clinique. Je n’ai pas retrouvé la magie du « secret », même si on peut faire un parallèle entre la petite robe et l’ours comme témoins du passé qui tente de ressurgir.

 

Extraits

Levant les yeux il aperçut la petite robe, accrochée à un cintre au centre de la vitrine sur fond de papier vert d’eau. Une robe d’enfant, parfaitement blanche, taillée comme une chasuble, avec trois roses à l’empiècement, semblables à celles qui émergeaient des pots. P 13

Paul fut troublé, saisi par le sentiment de n’avoir jamais rien vu de plus joli que ce vêtement de fillette, flottant entre ciel et terre. Il resta un bon moment planté sur le trottoir, son sandwich à la main, et sa promenade de ce jour-là ne le mena pas plus loin. P 13

Pourquoi avait-il demandé du six ans ? Il était incapable de répondre à cette question. Il avait indiqué cette taille à la vendeuse sans aucune raison apparente, la phrase lui avait échappé, sortie de sa bouche malgré lui. P 22

Après plusieurs interventions infructueuses ils renoncèrent à l’idée d’agrandir la famille. Ils sortirent blessés de l’expérience mais à l’époque Paul déclara, conscient de la banalité de son propos, que leur amour leur avait permis de surmonter l’épreuve. P 30

Si une douleur, comparable à celle exprimée par le rêve, avait habité son père, celui-ci l’avait endiguée avec une incroyable énergie au point de n’en laissé surnager que sa philosophie apparemment désabusée de la vie, son pessimisme silencieux. P 64

 

Lu en février 2017

7 réflexions sur “« La petite robe de Paul » de Philippe Grimbert

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