« La fille de l’ogre » de Catherine Bardon

Retour en République Dominicaine, et à une auteure dont j’avais apprécié la tétralogie, « Les déracinés » surtout le premier tome en fait, avec le roman que je vous propose aujourd’hui :

Résumé de l’éditeur

Le bouleversant destin de Flor de Oro Trujillo, la fille d’un des plus sinistres dictateurs que la terre ait porté.

1915. Flor de Oro naît à San Cristóbal, en République dominicaine. Son père, petit truand devenu militaire, ne vise rien moins que la tête de l’État. Il est déterminé à faire de sa fille une femme cultivée et sophistiquée, à la hauteur de sa propre ambition. Elle quitte alors sa famille pour devenir pensionnaire en France, dans le plus chic collège pour jeunes filles du pays.

Quand son père prend le pouvoir, Flor de Oro rentre dans son île et rencontre celui qui deviendra son premier mari, Porfirio Rubirosa, un play-boy au profil trouble, mi gigolo, mi diplomate-espion, qu’elle épouse à dix-sept ans. Mais Trujillo, seul maître après Dieu, entend contrôler la vie de sa fille. Elle doit lui obéir comme tous les Dominicains entièrement soumis au Jefe, ce dictateur sanguinaire.

Marquée par l’emprise de ces deux hommes à l’amour nocif, de mariages en exils, de l’Allemagne nazie aux États-Unis, de grâce en disgrâce, Flor de Oro luttera toute sa vie pour se libérer de leur joug.

Ce que j’en pense :

On fait la connaissance de Flor de Oro (Fleur d’or), fille aînée du dictateur Rafael Leonidas Trujillo et de sa première épouse Aminta Ledesma, alors que son père est encore un « apprenti soldat », gravissant les degrés qui le conduiront vers le grade de général. Flor est en adoration devant son père, mais elle porte en elle la tache originelle qui prouve son origine haïtienne (comme son père d’ailleurs !) et ceci va la poursuivre durant toute son existence.

Le Jefe, comme on le surnomme l’envoie faire des études dans un collège en France, où elle découvre le froid, la solitude et la difficulté à se faire des amis. Elle se concentre sur les études, car son père, à chaque retour, épluche le carnet de notes. Elle se défend des moqueries en citant César : « Mieux vaut être le premier dans son village, que le second à Rome ».

Un jour, cependant, elle devient intéressante, son père est devenu Président de la République Dominicaine, via une élection truquée, les opposants ayant été muselés. Cela va signer son retour au Pays…

En fait, personne n’est là pour l’accueillir, son père ayant d’autres préoccupations, un remariage, d’autres enfants… Une brève période de bonheur, quand elle rencontre le beau lieutenant Porfirio Rubirosa, qui sera célèbre pour son côté bourreau des cœurs, (il épousera même une célèbre actrice française !) mais le dictateur veille, leur coupe les vivres lorsqu’ils s’exilent à New-York, notamment. L’argent et le pouvoir permettent tout…

Tout au long de son existence, Flor va essayer d’exister aux yeux de son père, qui ne cessera de la surveiller, de la manipuler, lui imposant ses choix, à travers ses nombreux mariages (neuf au total et tous plus ou moins ratés, car le Jefe œuvre en sous-main -sous-marin ?) au gré de ses intérêts personnels : chacun des nouveaux maris devant lui apporter des contrats juteux, le servir.

On se prend d’affection pour cette femme qui brille par son manque d’estime d’elle-même, toujours en quête de l’approbation paternelle qui ne vient jamais bien sûr, car il adore l’humilier, lui lancer des petites phrases assassines mais elle reste sous sa domination, il y a trop longtemps qu’on lui a coupé les ailes. Elle fuit de l’alcool, l’anorexie, se détruisant lentement.

Catherine Bardon nous offre, à travers l’histoire de cette femme manipulée, malmenée, celle de la République Dominicaine durant les trente ans de la poigne de fer de Trujillo ce qui rend ce roman encore plus intéressant, on est au-delà d’un destin individuel brisé.

Je connais mal l’histoire de la République Dominicaine, j’ai découvert Trujillo en lisant « Les déracinés », je l’avoue ! Je n’ai pas terminé la tétralogie, d’ailleurs, il me reste le dernier tome, mais les personnages m’intéressaient moins que ceux du premier tome.

L’auteure sait bien décrire la situation du Pays comme, la culture, et la famille du dictateur alors j’ai dévoré ce roman, même si parfois j’avais envie de secouer un peu notre héroïne, un passage sur le divan aurait été très intéressant, elle l’a d’ailleurs tenté mais son psy presque époux est décédé dans des conditions étranges… Alors elle n’a pas retenté l’expérience.

Comment ne pas sourire en voyant Trujillo tenter de masquer ce qui est tout sauf un teint d’albâtre, en se poudrant abondamment le visage !

Un grand merci à NetGalley et aux éditions Les Escales qui m’ont permis de découvrir ce roman et son auteur

 #Lafilledelogre #NetGalleyFrance

7/10

Après une carrière dans la communication, Catherine Bardon se consacre désormais à l’écriture et partage son temps entre la France et la République dominicaine. Elle est l’autrice de la saga Les Déracinésqui s’est vendue à plus de 500 000 exemplaires et qui a été distinguée à de nombreuses reprises, notamment par le Prix Wizo et par le Festival du premier roman de Chambéry en 2019.

Extraits :

Voilà, Papi a décidé. Il a toujours raison, il ne faut pas le contrarier, pas le décevoir. Surtout pas. Une petite fille doit se plier aux décisions de son père, surtout quand c’est un soldat. Son chiot, ce sera Boule de Neige. Flor ne sait pas ce qu’est la neige.

Dans l’enfance de Flor, il y a cette tache originelle. Dont elle ne pourra jamais se laver. Celle qui explique peut-être tout. C’est une goutte. Une goutte de sang noir. Haïtien. Celle dont on ne parle pas. Celle qui fait si honte à son père.

C’est pour ça que Papi et Mami la regardent avec pitié et ne l’aiment pas beaucoup, car elle, Flor de Oro, n’est pas parfaite. Cette goutte de sang qui la hantera toute sa vie…

Ce qu’elle omet de préciser, Aminta, c’est que, menacés de mort, les opposants politiques ont préféré jeter l’éponge ; que, contraints à la démission, les membres de la commission électorale ont été remplacés par des hommes à sa botte ; que la campagne électorale s’est déroulée dans un climat de véritable terreur…

Le cœur de Flor s’emballe, son souffle se fait court. Lieutenant Porfirio Rubirosa. Il est encore plus beau de près. Il incline légèrement la tête. C’est fugitif. Elle croit avoir capté une lueur victorieuse, un friselis dans son regard…

… 8 décembre 1941. Les États-Unis entrent en guerre… Malgré son admiration pour Mussolini et Hitler, le Jefe a écouté la voix de la sagesse et s’est rallié aux Yankies qu’il exècre…

Elle sait trop à quel point son cœur est avide de la reconnaissance et de l’amour de son père, à quel point exister à ses yeux, capter son attention, conquérir une approbation, le satisfaire est vital pour elle. Car si elle n’existe pas à ses yeux, elle n’existe tout simplement pas…

Quand il y a de l’argent, on ne visite pas l’arrière-cour de la banque…

Avec lui, on ne sait jamais comment interpréter les choses, un piège, une bonté, un caprice ? Ne pas savoir sur quel pied danser, ne pas savoir quel sera le prochain faux-pas, être toujours sur ses gardes, sous tension permanente, Flor partage le quotidien des Dominicains.

Lu en septembre 2022

8 réflexions sur “« La fille de l’ogre » de Catherine Bardon

  1. Venant de terminer la série des déracinés que j’ai beaucoup aimé, j’ai bien entendu déjà noté celui-ci mais il attendra, car là je fais une pause pour découvrir d’autres auteurs de cette rentrée littéraire. Dommage que tu aies moins aimé mais j’avoue que le destin d’une fille de dictateur m’intéresse moins moi-aussi…

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