« Les douces » de Judith Da Costa Rosa

Je vous parle aujourd’hui d’un roman dont le résumé me tentait, si bien que j’ai fini par céder aux sirènes de la tentation…

Résumé de l’éditeur :

Ils étaient quatre, trois filles et un garçon : Dolorès, Zineb, Bianca et Hannibal. Quatre meilleurs amis devenus comme frère et sœurs, ayant grandi ensemble, connu les joies de l’enfance et les tourments des premiers sentiments, se jurant de ne jamais se séparer. La vie s’ouvrait à eux ; le lycée terminé, ils quitteraient leur village du Sud, découvriraient Paris. Mais le soir du bal de fin d’année, Hannibal disparaît et laisse celles qu’il appelait mes douces, seules et interdites.

Huit ans plus tard, son corps est retrouvé, enterré dans la propriété d’Auguste Meyer, sculpteur célèbre de la région et professeur de poterie des quatre enfants qui, jusqu’à sa mort, a nourri pour Dolorès, sa beauté, une étrange fascination. L’Officier Casez est chargé d’enquêter, il convoque les trois jeunes femmes ; l’une est devenue célèbre sur les réseaux sociaux, l’autre étudiante, la dernière travaille dans un cinéma. Elles ne se parlent plus mais continuent de recevoir d’énigmatiques emails signés Hannibal. L’une le croit vivant, les autres pas.

A mesure qu’il essaie de percer le mystère de leur amitié, Léo Casez bute sur les interrogations : quel pacte les liait ? Qui était vraiment Auguste Meyer et pourquoi la mère de Dolorès le protégeait-elle ? En rouvrant les archives du passé, il force les secrets et nous entraîne dans les souvenirs de cet été brûlant, les joies et les tourments de quatre adolescents devenus si tôt adultes.

Un premier roman haletant, envoûtant comme un tour de magie.

Ce que j’en pense :

On fait la connaissance de trois filles, amies dans l’enfance et l’adolescence qui ont un ami en commun Hannibal avec lequel elles partagent tout jusqu’à quel point, l’avenir le dira. Elles ont quitté (fui ?) le village huit ans auparavant pour tenter leur chance à Paris.

Soudain, alors que la fille d’Auguste Meyer, l’artiste du village, qui donnait des cours aux enfants du village, décide d’aménager la maison et de creuser une piscine, et devinez sur quoi on tombe : le cadavre d’un jeune lycéen, Hannibal, disparu sans donner de nouvelles depuis huit ans. La relation entre Auguste et sa fille était loin d’être au beau fixe.

Ces travaux avaient déclenché la réprobation d’Hélène son médecin, car l’artiste en question ne voulait pas qu’on touche à son œuvre, afin qu’elle meure d’elle-même après sa mort…

Zineb, peu à l’aise dans son corps du fait de son éducation, est en mode survie comme ouvreuse dans son cinéma à Paris ; contrairement à Dolorès, elle espérait bien que Hannibal était encore en vie car elle recevait des courriels étranges censés émaner de lui.

Dolorès, la fille d’Hélène, dont la beauté est à couper le souffle, et qui n’aime qu’elle-même allergique à l’ordre et au rangement, fait des études de lettres, latin et grec… « Elle était une latiniste et une helléniste chevronnée et, de ce fait, savait d’où provenaient les mots »

La troisième Bianca, (dont la mère perpétuellement au régime et addict aux clubs de sport, est tellement obsédée par son physique qu’elle a recours à la chirurgie esthétique) inonde les réseaux sociaux avec ses conseils en tous genres, maquillage, vêtements de marque, meubles (qu’on lui offre en échange de ses commentaires), car elle est influenceuse, provoquant la haine d’un de ses followers (je préfère abonnés même si cela en jette moins !) qui signe @dixansauparavant…

Alléchée par le résumé, j’ai tenté l’expérience après avoir pas mal hésité et je suis passée complètement à côté de ce roman. Les personnages sont superficiels, les trois amies qui ne le sont plus sont tellement nombrilistes, uniquement préoccupées par elles-mêmes n’ont pas réussi à provoquer une once d’empathie, durant cette lecture, mais qu’on se rassure ce n’est pas parce que c’était mieux avant ou parce que je vieillis mal car la mère de Dolores qui est béate d’admiration devant le « grand artiste » Auguste Meyer sur lequel elle a veillé jalousement jusqu’à la fin, ne m’a pas plu non plus.

En gros, tout au long du roman, on est dans « parlez-moi de moi, il n’y a que cela qui m’intéresse », les trois jeunes femmes sont complètement déconnectées de la réalité et prennent leur distance dès qu’elles ne sont plus au centre, c’est moins vrai pour Zineb qui est la moins égocentrique du groupe.

Le seul personnage intéressant finalement c’est le policier qui interroge les trois filles, lui au moins, ne vit pas dans le virtuel… L’ancien rugbyman déchu, à la suite d’un accident est ce que l’on pourrait appeler un loser magnifique est intéressant aussi ainsi qu’Élise la petite fille d’Auguste.

On devine trop vite qui était Auguste Meyer, d’artiste fou à pervers il n’y a qu’un pas… C’est dommage car l’histoire aurait pu être intéressante si l’auteure, Judith Da Costa Rosa avait creusé davantage, et proposé une réflexion plus sociétale. Elle décrit une relation entre Dolorès et sa mère tellement pathologique qu’on sent bien qu’il s’est passé quelque chose, mais elle ne creuse pas laissant le lecteur interpréter lui-même.

L’auteure nous offre aussi une belle description de la démence aux corps de Lewy, malade neurologique dont est atteint Auguste qui sent un peu le vécu.

Je ne sais pas si c’est moi qui vieillis mal, mais j’avoue que cette société basée sur l’image, l’apparence, le corps, la superficialité me laisse vraiment perplexe. On s’est trompé d’auxiliaire : au royaume de l’image, on est dans l’avoir au lieu de rester dans l’être.

Un grand merci à NetGalley et aux éditions Grasset qui m’ont permis de découvrir ce roman et son auteure. Pour un premier roman, alors qu’elle est âgée de vingt-quatre ans, c’est plutôt prometteur.

#Lesdouces #NetGalleyFrance

6-7/10

L’auteure :

Judith Da Costa Rosa a vingt-quatre ans ; « Les douces » est son premier roman.

En 2014, elle avait été lauréate du premier Prix Concours de nouvelles des classes préparatoires de Henri IV — Louis Le Grand – Fénelon.

Titulaire d’un master Scenario et Direction littéraire, elle est aujourd’hui coordinatrice d’écriture.

Extraits :

Depuis qu’il était enfant, il cultivait l’ambition de réussir un jour à disparaître ; non pas mourir, mais plutôt se réduire à une série de gestes, pour n’être plus qu’un regard et les mouvements de ses deux mains.

Est-ce que leur beauté faisait qu’ils se comprenaient par-delà leur corps ? Est-ce que la beauté était quelque chose d’important à partager.

Avec le temps, Élise avait vu les femmes qu’elle connaissait s’effacer, céder les sonorités de leur prénom contre celles d’une appellation générique : mères, tantes, grand-mères, qui avaient les cheveux courts parce que c’est plus pratique, et portaient tel chemisier acheté en solde au supermarché entre une petite fille déposée au piano, une rissolée de pommes de terre et de l’assouplissant, coulé dans cet endroit des machines à laver qu’on lui destine.

Quelques jours auparavant, Léo Casez avait lui un article sur la décomposition des corps humains qui mentionnait que les cadavres avaient de plus en lus de mal à retourner à la terre – à cause des conservateurs dans les aliments, de la pollution des sols, ou peu importe.

Sa mère lui avait seulement expliqué d’une voix neutre que de petits caillots figés dans son cerveau le rendait fou et provoquaient des hallucinations. En somme, il avait une de ces maladies de gens vieux, qui n’étaient aux yeux d’Élise qu’une raison de plus qu’avaient les gens vieux de mourir.

Bianca Ispahan avait ceci de l’abîme qu’elle ne montrait rien d’elle, sinon qu’elle était profonde.

C’était une époque où tout l’argent du monde était dédié aux images – des images avec des filles incroyablement belles, retouchées et brillantes, des images pour vendre des choses, des images pour distraire les gens, des images pornographiques – et malgré tout il restait des gens comme elle, prêts à dédier leur vie pour que certaines vieilles images puissent vivre encore un peu dans l’obscurité…

Lu en juin juillet 2021

21 réflexions sur “« Les douces » de Judith Da Costa Rosa

  1. Un premier roman imparfait qui nous parle des jeunes d’aujourd’hui…moi aussi je vieillis mal sur ce point là car je trouve aussi que la société de l’image éloigne dangereusement les jeunes de la vraie vie…mais comment faire autrement, ils s’en apercevront bien un jour tous seuls que l’important c’est justement ce qui ne se voit pas et ne se montre (ne s’expose pas je devrais dire) pas aux autres sur les réseaux sociaux… Merci pour ton ressenti, je passe

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    1. je n’ai pas réussi à comprendre ces trois filles, leur milieu est trop éloigné du mien mais certains personnages sont intéressants.
      Les relations mère-fille sur 3 générations Dolorès sa mère et sa grand-mère sont toxiques chacune tente de dominer l’autre 🙂
      c’est un premier roman d’où l’indulgence de la note (que j’ai bien dû 3 fois ) car il y a des idées 🙂

      J’aime

    1. il a plu à certains donc peut-être que cela vient aussi de moi, quoi qu’il en soit, c’est un roman dérangeant il y a des idées peut-être que son prochain roman sera plus abouti 🙂
      la note peut paraître surprenante, c’est l’indulgence vis-à-vis du 1er roman autant que le désarroi que provoque cette génération en moi 🙂

      Aimé par 1 personne

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