« Le chant du perroquet » de Charline Malaval

J’ai beaucoup aimé le précédent roman de l’auteure, « Le marin de Casablanca », alors lire ce livre était une évidence, d’autant plus qu’un petit voyage au Brésil, en plein confinement cela ne se refuse pas : 

Résumé de l’éditeur :

São Paulo, 2016. Tiago, un jeune journaliste indépendant, fait la connaissance de son voisin, Fabiano, qui habite le quartier depuis plusieurs décennies, avec un perroquet pour seul compagnon. Au fil de leurs rencontres, le vieil homme raconte son passé à Tiago, l’épopée d’une existence soumise aux aléas de l’Histoire. Le départ de son Nordeste natal pour participer à la construction de Brasília avec ses parents, son travail d’ouvrier dans les usines Volkswagen de São Paulo… et, surtout, il lui parle de la femme de sa vie, qui a disparu à la fin des années 1960, sous la dictature.

Avec l’idée d’en faire le sujet de son premier roman, Tiago recueille, fasciné, ce palpitant récit et, son instinct de journaliste reprenant le dessus, il décide d’effectuer des recherches par lui-même. Mais bientôt les pistes se brouillent et le doute s’insinue dans son esprit.


Véritable ode à la transmission, à l’amour, à la résistance, Le Chant du perroquet nous offre également, grâce à ses personnages inoubliables et à son écriture vive et magnétique, un magnifique et vibrant hommage à un Brésil immortel, celui d’hier et d’aujourd’hui.

Ce que j’en pense :

Tiago est journaliste, et pense devenir écrivain donc cherche un bon sujet. Un jour, alors qu’il se rend au travail sa vieille Fusca, l’équivalent brésilien de la coccinelle, la voiture ne veut plus démarrer et c’est un homme âgé, son voisin, Fabiano qui réussit à la remettre en marche. C’est ainsi qu’ils font un peu connaissance, car ils se contentaient de se croiser.

Un soir où un peu éméché Tiago ramène sa nouvelle conquête Juliana (le plus beau cul du monde dit-il avec beaucoup d’élégance) ils entendent des hurlements : « Laisse-moi partir, laiiiiiiiiiiiiisse moi partir…), ils foncent chez Fabiano et … C’est Chico, le perroquet, qui hurle et menace son propriétaire…

Peu à peu, Fabiano va leur raconter sa terrible histoire, en dépit des bâillements de Juliana, Tiago sent qu’il tient enfin un scoop.

On repart ainsi en 1956, sur les traces de Fabiano, dont l’enfance a été difficile entre un père alcoolique, une mère battue, qui un jour fait ses valises. Josefa a elle-aussi quitté cet endroit sous la protection de Lucio, accompagné de sa guitare magique.

Ils avaient quitté le Nordeste car la sécheresse avait anéanti les récoltes, pour aller construire la ville idéale du régime : Brasilia, dans un coin perdu du Brésil, née de la folie des grandeurs du président de l’époque et des esquisses de Niemeyer. Un paradis sur terre, mais qui sera probablement pour les riches, personne n’ayant les moyens de se payer un appartement. Fabiano fait la connaissance de Josefa qui va devenir l’amour de sa vie, ils sont à peine ados quand ils se rencontrent.

Il y a des pervers qui tournent autour d’elle, notamment deux hommes qui travaillent avec le père de Fabiano, compagnons de beuverie qui le poussent à la violence. Pour les fuir, ils vont quitter le chantier grâce à une opportunité : lors de la visite du Président, Fabiano ose prendre la parole, et ce dernier lui propose une embauche à l’usine Volkswagen de Sao Paulo. Il réussit à emmener Josefa avec lui pour l’éloigner des pervers et commencer une nouvelle vie.

Comme l’embauche vient du président, Fabiano va être très mal accueilli par le contremaître qui va lui pourrir la vie, mais grâce à Zé son binôme pour faire les pièces, il va s’accrocher.  Il est amoureux de Josefa, mais celle-ci se méfie des hommes et veut être indépendante. Pour tenter de la conquérir, il va apprendre à jouer de la guitare et à chanter.

Un jour, Pedro le fils du chef de la publicité de VW aperçoit Josefa et réussit à convaincre son père qu’elle doit être l’égérie de la marque, de la Fusca surtout.

Voilà nous connaissons tous les protagonistes, car leurs destins vont s’entremêler, alors que le coup d’état se profile, libérant les instincts sadiques et collabos des uns, et la résistance des autres. Maintenant que le décor (la trame de l’histoire plutôt) est planté, je vous laisse découvrir la suite. Et, l’auteure nous réserve des surprises…

J’ai choisi ce roman car, si j’aime beaucoup la musique, la culture du Brésil je connais assez mal son histoire, à part les dictatures et l’hécatombe qu’a déclenché le coup d’état de 1964. A l’ère Bolsonaro, c’était le moment ou jamais de m’y plonger pour tenter de comprendre pourquoi, un peuple qui a autant souffert, avec un nombre de morts effarant, où la torture était très inventive avec notamment le Pau-de-arara « le perchoir du perroquet » où les prisonniers étaient suspendus par les genoux et les poignets à une barre horizontale, la tête en bas, avec un psychiatre, le Doutor Sumiu et sa gueule d’ange, qui a l’art de mettre les gens en confiance lors des entretiens pour mieux les briser, et qui semble être une réincarnation de Mengele. L’hôpital psychiatrique de Barbacena est resté tristement célèbre.

L’auteure dénonce au passage la complicité de Volkswagen avec la dictature, sa chasse aux syndicats, ses délateurs zélés et leurs archives auxquelles il n’est pas évident d’accéder :

L’entreprise est déjà depuis trop longtemps dans le collimateur, avec ses dirigeants nazis, bien connus pour leur très grand sens de l’organisation et de l’ordre…

Tout au long du roman, ce style de roman gigogne que j’aime beaucoup où on alterne le présent et le passé pour rendre ce dernier plus supportable, la musique est omniprésente, la musique traditionnelle, la samba, puis la bossa nova, cette musique qui fait toujours autant vibrer, et me met des papillons dans le ventre (eh oui !). En annexe, l’auteure nous propose une liste de chansons : « du Brésil de Fabiano et Josefa au Brésil de Tiago et Juliana » avec quelques pépites.

Charline Malaval a truffé son roman d’expressions portugaises que j’ai retrouvées avec plaisir, étant lusophone, lusophile, donc ce livre avait tout pour me plaire d’où le coup de cœur…

Maintenant, il ne me reste plus qu’à lire les auteurs brésiliens de l’époque et ceux qui ont évoqué la dictature …

J’ai beaucoup apprécié l’écriture et les talents de conteuse de Charline Malaval que j’ai découverts avec « Le marin de Casablanca ». J’ai mis beaucoup de temps à rédiger ma chronique car j’avais samba et bossa nova dans la tête et pas du tout envie de refermer le livre…

Un grand merci à NetGalley et aux éditions Préludes qui m’ont permis de découvrir ce nouveau livre de Charline Malaval dont j’apprécie beaucoup la plume.

#LeChantduperroquet #NetGalleyFrance

Mes élucubrations :

Comme je l’ai déjà dit, j’ai appris le portugais cette langue, le portugais via Assimyl pour pouvoir discuter avec la famille de mon mari au Portugal donc il m’en reste encore un peu…

De plus, j’aime beaucoup le portugais en mode sud-américain (comme l’anglais USA versus Grande Bretagne par exemple ou français versus Québec), car les intonations sont plus douces, plus chantantes.

C’est un pays que l’on rêve de visiter, tous les deux mais il va falloir attendre un peu (pas seulement le COVID mais le départ de Jaïr Bolosonaro (vous l’avez sans doute remarqué, l’avoir affublé de ce prénom était peut-être dans le but de défier le destin, faire « jaillir » une parcelle d’intelligence, chez Bolso alias grippette-tapette pour reprendre ses mots favoris !!! Sans rancune, Mr le Président, je sais que vous appréciez l’humour!

En gros comme la Russie, quand Vladimir 1er va tirer sa révérence, on sera mort ! ou mes dernières notions de russe se seront évaporées…

L’auteure :

Charline Malaval est née en 1984 à Limoges et a grandi en Corrèze. Après avoir enseigné au Brésil, à l’île Maurice, en Bulgarie et au Vanuatu, elle est aujourd’hui professeure de lettres au lycée français de Riga (Lettonie). 

On lui doit « Le marin de Casablanca » et « Le chant du perroquet ».

Extraits :

Au fond, il n’y a pas plus brésilien que ces animaux-là… Ils sont comme l’âme de la samba, jamais si beaux, si colorés et le cœur à la fête que lorsque leur monde est en train de s’effondrer.

Chacun a droit à l’amour, mais chacun aime à sa façon. Alors que certains aiment tièdement et se contentent de sentiments étriqués, d’autres aiment corps et âme, constamment prêts à en mourir. Ceux qui savent aimer y sacrifient tout, leur cœur et leur âme.

Avec Fabiano, ce sera différent, Tiago l’a compris depuis quelques temps déjà, cet homme possède un secret, cache un drame, une tragédie derrière ses sourires. Selon Tiago, c’est précisément ce qui fait l’âme d’un roman. Jusque-là, son inspiration s’était toujours fait refouler par la page blanche qui l’interrogeait, frondeuse : « quel nœud vas-tu défaire ? Quel mystère vas-tu résoudre ? De quoi vas-tu bien pouvoir parler ?

Brasilia, c’est le symbole d’un pays qui gueule à tue-tête au reste du monde : on peut tout se permettre, que ça vous plaise ou non ! Et le Brésil s’est tout permis dans ces années-là ! La bossa-nova, le tropicalisme, la première coupe du monde remportée par la Seleção… Le Brésil a osé toutes les esthétiques, a associé des couleurs, des notes qui juraient ensemble pour en faire des œuvres d’art !

Le coup d’état de 1964 et la dictature sont d’ailleurs la conséquence de cette curiosité avide, de cet appétit de vie unique au monde.

Ils étaient des milliers comme eux, à avoir voulu tenter leur chance ailleurs, loin de ces terres que la pluie avait fuies. Il n’y avait plus rien à cultiver, plus rien à manger. Les récoltes de maïs et de haricots noirs séchaient sur pied depuis de longues années. On avait attendu en vain le retour de la pluie. On avait imploré tous les dieux, tous les esprits possibles, mais rien n’y avait fait.

Josefa, en silence, avait pleuré de joie de quitter le spectacle de désolation de son foyer. Mais elle savait qu’elle serait désormais exilée. Comme le lui avaient enseigné la douce voix rauque et la guitare enjôleuse de Lucio, une vie s’écrit en prenant des risques, et la musique les fait passer pour un jeu.

Du travail s’était ensuite présenté à Rio d’où Lucio faillit ne jamais repartir. En 1931, peu après son arrivée, il assista à l’inauguration de la célèbre statue du Cristo Redentor ouvrant grand ses bras à la cité merveilleuse. L’année suivante, la roue tourna encore et il connut les insurrections contre le dictateur Vargas, et bien entendu la crise économique qui suivit…

Mais, il faut tout de même avancer, et c’est grâce à cela que nous apprenons à nous connaître et à compter sur nous-mêmes.

Mais, la samba, c’est l’âme du Brésil. La musique n’a pas être digne puisqu’elle est le dernier rempart avant la folie. C’est une expression qu’on ne peut museler car elle imprègne tous les pores de ce fichu pays !

La saudade, douce et vibrante, réchauffait son âme, et malgré lui cette rythmique paresseuse et nouvelle agitait son corps. Ses pieds et ses jambes battaient la mesure. Il se laissa effleurer par le chant de la flûte et la voix si chaleureuse qui fredonnait la mélancolique mélodie.

« Il n’y a rien de mieux qu’un roman pour faire comprendre que la réalité est mal faite, qu’elle n’est pas suffisante pour satisfaire les désirs, les appétits, les rêves humains. » C’est de Mario Vargas-Llosa. Alors, arrange-toi pour en faire une histoire qui en tiendra compte.

Celui-ci (l’hôpital de Barbacena) avait servi, au cours des décennies du XXe siècle, et bien plus activement entre 1960 et 1970, à éliminer quelques soixante mille « patients ». Des femmes prétendument traitées pour hystérie ou schizophrénie. Des opposants politiques. Des fauteurs de troubles. Au plus fort des années de plomb, ils gênaient et avaient miraculeusement disparu de la circulation.

Lu en mai 2021

20 réflexions sur “« Le chant du perroquet » de Charline Malaval

  1. Voilà un auteur qu’il faudra vraiment que je découvre et tu m’en donnes envie. J’ai déjà noté grâce à toi dans mon carnet « le marin de Casablanca » et j’écris celui-ci en dessous…j’ai pris beaucoup de retard en ce mois de mai pour résorber ma PAL car je n’ai pas réussi à lire de manière assidu comme en hiver, mais je ne perds pas espoir de pouvoir le faire. Bon week-end

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    1. j’ai encore plus aimé celui-ci mais il est vrai que le Brésil,m’intéresse et j’avais encore peu lu sur son histoire donc je vais aller à la pêche aux infos…
      Je suit très en retard dans mes lectures aussi, la motivation est revenue, mais j’ai encore besoin de passages par les polars pour souffler…
      J’ai bien aimé « Le marin de Casablanca » mais je trouve celui-ci plus abouti et comme on attend toujours le 2e roman pourvoir si l’essai est transformé, je pense qu’elle a réussi 🙂

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  2. keisha41

    j’avoue ne pas trop connaitre l’histoire récente du Brésil, il a fallu la lecture de Tupinilandia pour découvrir ces années de dictature au siècle dernier…
    Pour les soucis sur mon blog, j’hésite encore à déménager, j’ignore si ça vient de blogger ou de mon ordi (mais ça paraît difficile que ça vienne d’un ordi), j’ai ouvert un autre blog test, c’est http://enlisantenvoyageant.hautetfort.com/ tu peux tester si tu as des soucis? Si ça va là bas, je peux engager le ‘vrai’ déménagement..;

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    1. je note « Tupinilandia » j’avais hésité car on le présentait comme un mélange d’Orwell et Juassic park, mais je vais y aller…
      J’ai les mêmes menaces avec ton autre blog, je pense que cela doit venir de ton ordi. Tu as essayé de faire un grand nettoyage? (adw cleaner par exemple) ceci dit Bitdefender est à la hauteur de ses promesses dès qu’un truc ne lui plaît pas des blocages de malwares s’affichent 🙂

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      1. keisha41

        Merci, bon maintenant je sais (un peu) d’où ça vient, faut dire que mon ordi est très ancien , je le pousse au bout.
        Mais j’ai des alertes aussi sur certains blogs, c’est dire! ^_^

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  3. En rêve, pas de barrière ! Pour moi, un voyage en Amérique du Sud n’est pas forcément un rêve… Néanmoins, je devrais approfondir l’histoire de ce pays que j’avoue ne pas connaître ! Mais la Bossa Nova est quand-même très présente … Merci pour ce retour qui donne envie 😉

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    1. j’ai bien aimé cette histoire, et surtout qu’il y a un retournement de situation intéressant (que j’avais pressenti mais plaisir quand même)
      j’aime la langue et la musique de ce pays (un peu comme Cuba d’ailleurs) et avec ce livre j’ai envie d’en savoir plus 🙂

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    1. J’ai commencé à m’intéresser de plus près à ce pays avec les années Lulla et j’avais bêtement espéré qu’avec ce qu’ils avaient subi ils n’y retourneraient pas, mais on connait hélas la fascination pour les dictateurs (en Europe on est servi en ce moment!)

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    1. c’est une belle histoire, avec des passages durs, mais c’est bien écrit, et la manière dont elle nous fait « surfer » sur la musique qui est omniprésente apporte de la légèreté quand il le faut, et ce roman est plein de rebondissements… j’ai appris beaucoup de choses sur le coup d’état de1964 et je n’arrive toujours pas à comprendre qu’ils aient pu élire ce clown

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