« Le secret de la reine soldat » de Lorraine Kaltenbach

Un détour par l’Histoire, notamment celle du XIXe aujourd’hui avec ce livre que j’ai pris mon temps pour bien déguster et faire durer le plaisir :

Résumé de l’éditeur :

Marcel Proust, qui l’idolâtrait, l’avait baptisée la « reine soldat ». Luchino Visconti rêvait de la porter à l’écran. Reine déchue du royaume de Naples et des Deux Siciles, Marie-Sophie en Bavière s’est toujours dérobée aux historiens qui n’ont pressenti son secret qu’à demi.

Marie-Sophie était la plus romanesque des sœurs de Sissi. Aussi rebelle que l’illustre impératrice, elle fut autrement plus vivante, charnelle et intrépide. A vingt ans, elle subjugua l’Europe en abandonnant ses somptueuses crinolines pour traverser la Révolution italienne du Risorgimento. A trente ans, elle devint une figure du Paris de la Belle Époque. Que cachait son attirance pour la Ville Lumière ? La nostalgie de sa passion pour un zouave pontifical français, mais surtout Daisy, leur enfant, dont elle ne put jamais faire l’aveu public. Le pape, les rois de Bavière, de Naples et des Deux-Siciles, avaient trop à perdre si ce scandale était divulgué.

Cette mère qu’on avait arrachée à l’attachement le plus sacré imposera son droit de renouer avec sa fille et se vengera par les armes de ceux qui l’avaient outragée. C’est ce que nous dévoile Lorraine Kaltenbach, dans le récit, riche en aventures, de son enquête pour retrouver sa cousine Daisy, la fille de la reine soldat et la nièce cachée de Sissi.

Ce que j’en pense :

Lorraine Kaltenbach nous raconte le destin de Marie-Sophie de Wittelsbach, la sœur cadette d’Elizabeth, rendue célèbre par la saga des « Sissi » qui a épousé François II de Bourbon, roi de Naples et des Deux Siciles. Un mariage particulier, car il n’était en « présentiel » pour employer une expression tristement à la mode de nos jours. Ils ne sont jamais vus, tout a été décidé par les familles.

Le mariage se déroulant sous de tels auspices, ne pouvait qu’être promis à des catastrophes, ou des péripéties selon le degré de gravité des évènements.

A peine une année après le mariage, la couronne commence à tanguer sur leurs têtes : c’est le Risorgimento, qu’on appelait « L’Unité Italienne » dans nos livres scolaires, avec les Chemises rouges, révolutionnaires sous la houlette de Garibaldi, alors qu’en coulisse, Victor-Emmanuel II tire les ficelles en attendant patiemment son heure.

Nos deux époux se trouve retranchés, assiégés dans la forteresse maritime de Gaète, où leurs fidèles vendront cher leur peau. Marie-Sophie est active durant ce siège, on la voit se rendre auprès des soldats, les encourager, les soigner, tandis que François brille par son inaction.

Inutile de préciser qu’ils vont perdre. Ils seront « recueillis » par le Pape Pie IX, qui leur fait aménager des appartements au Quirinal et mèneront la belle vie, si l’on regarde les choses de l’extérieur…

Marie-Sophie s’ennuie, son mariage est un échec, il n’a même pas été « consommé », le roi étant atteint d’un phimosis qu’il refuse de faire opérer… Alors, quand un beau Zouave, Français, vient officier auprès du pape, une idylle se noue : retrouvailles en secret, avec quelques complicités, car ils sont sous étroite surveillance. Lorsque la grossesse commence à se voir, Marie-Sophie va se réfugier chez son frère Louis, on parle de maladie, la tuberculose commençant à faire des dégâts.

« Daisy était le fruit des amours entre la reine de Naples et notre cousin, Emmanuel de Lavaÿsse (prononcer Lava-ï-sse), un Français enrôlé dans les zouaves pontificaux à Rome, au début des années 1860. »

Et Daisy, pointe le bout de son nez, et il faut trouver une solution, Marie-Sophie préfère la confier à son père, qui a bravé le froid, en se cachant pour ne pas être reconnu, afin de la rejoindre en Bavière. Elle ne la gardera pas longtemps près d’elle, car tout le monde fait pression pour qu’elle retourne en Italie, Sissi, entre autres, mais aussi sa plus jeune sœur Mathilde qui a épousé le demi-frère de François…

Lorraine Kaltenbach est une descendante de Daisy, l’enfant cachée de Marie-Sophie que Marcel Proust surnomme la reine soldat car il l’admire profondément. Elle a entendu l’histoire de Daisy car un jour sa grand-mère a décidé de lui raconter ce destin compliqué, funeste. Ensuite, elle a fait un important travail de recherche pour retrouver des preuves, l’acte de naissance, mais aussi l’endroit où Daisy a été enterrée…

On suit en même temps le destin des deux familles, celle d’Emmanuel, et celle de Marie-Sophie, l’une n’ayant rien à envier à l’autre en ce qui concerne les deuils et les souffrances : la triste fin de Louis de Bavière, l’assassinat de Sissi, le drame de Mayerling, puis l’assassinat de François Ferdinand, qui déclenchera la première guerre mondiale… Et du côté d’Emmanuel, famille de Huguenots, un ancêtre a joué un rôle dans l’affaire Calas, les exils à cause de la Révolution,car ils étaient nobles entre autres.

Le début de ma lecture a été difficile, car il fallait mémoriser les noms de tous les protagonistes. Comme tout le monde je connaissais le destin tragique d’Elizabeth, via la saga cinématographique et via l’Histoire, car le XIXe siècle me passionne, celui de son frère Louis, un peu moins les autres membres de la tribu Wittelsbach. Napoléon III, son rôle et celui de son épouse Eugénie, cela allait encore, la politique politicienne, également.

L’Unité Italienne, par contre, c’était plus flou car les cours de seconde ou première remontaient à… des années, Garibaldi et les chemises rouges, Victor-Emmanuel II et son conseiller Cavour, n’étaient pas trop tombés dans les oubliettes, mais, en ce qui concerne François II roi de Naples et des Deux Siciles, c’était le trou noir…

J’ai beaucoup aimé me replonger dans cette époque, et accompagner l’auteure dans ses recherches (travail considérable, vues la quantité de notes et l’épaisseur de la bibliographie) mais aussi accompagner Marie-Sophie qui va mener une vie hors du commun, surtout en France, où elle a rencontré les artistes de la Belle Epoque.

Tout au long du livre, Lorraine Kaltenbach fait des références Giuseppe Tomasi di Lampedusaqui évoque cette période dans « Le Guépard » ou à Alexandre Dumas, avec des citations de Chateaubriand, de Proust, Voltaire pour ne citer qu’eux.

Cette Reine soldat m’a beaucoup plu et plonger dans sa vie et celle de sa famille a été un plaisir, riche en émotions, car il faut reconnaître qu’elle force le respect, contrairement à la « couardise »de son royal époux. La famille d’Emmanuel est également riche en couleurs et ce livre permet de revisiter toute l’Histoire de l’Europe de la deuxième moitié du XIXe siècle jusqu’en 1925.

Un grand merci à NetGalley et aux éditions du Rocher Elidia qui m’ont permis de découvrir ce livre très intéressant ainsi que son auteure qui est une ancienne plume de ministres.

#Lesecretdelareinesoldat #NetGalleyFrance

9/10

L’auteure :

Ancienne « plume » de ministres, Lorraine Kaltenbach est l’auteure de Championnes (Arthaud), des Chibret, une saga auvergnate (JC Lattès) et de Filles à papa (Flammarion).

Extraits :

Le choix a été difficile car j’ai énormément de notes, de marque-pages…

Garrevaques, c’est un vieux château de famille dans le midi de la France, assis au milieu d’une plaine qui frôle les collines de Puylaurens et s’enfuit vers la Montagne Noire ; une contrée où souffle le torrent chaud du vent d’autan, un pays de cocagne où l’on vit à souhait et où l’on jouit de tous les plaisirs gourmets.

C’est la fille d’Hélène, ma grand-mère paternelle, qui m’avait appris l’existence de cette mystérieuse nièce cachée de Sissi. Et, à la vérité, c’est en son hommage que j’allais me lancer dans cette enquête…

Mamy était un petit chef-d’œuvre de civilisation…

… Quatre-vingts ans auparavant, cette vieille dame ridée comme une pomme d’hiver, avait connu l’ambiance frénétique du Montparnasse des Années Folles. Elle portait alors du Mitsouko, des colliers jusqu’au nombril et un chapeau cloche enfoncé sur ses yeux pâles.

Contrairement à la plupart des jeunes filles, élevées derrière les murs épais d’un château, bien à l’abri avec les autres trésors de la famille, les petites Wittelsbach avaient poussé comme des herbes folles. Personne n’avait songé à dompter leur tempérament ni à leur enseigner leur strict devoir de soumission.

Sissi, qui suffoquait depuis cinq ans sous le protocole empesé de vienne, l’avait longuement chapitrée sur la vie de cour, ses servitudes imbéciles et sa pompe aux minuties remplies de pièges…

Le Risorgimento, c’est ainsi qu’on allait appeler, désormais, la conquête de l’unification des territoires et la renaissance de l’Italie. Un jour, tout le monde se le promettait, la lumière de la liberté chasserait les ombres grimaçantes du passé. Rêve de Dante et de Machiavel, songe de Pétrarque et de Leopardi, frisson de vingt siècles, l’unité exaltait toutes les têtes…

L’épopée du Guépard de Giuseppe Tomasi di Lampedusa, adaptée au cinéma par Luchino Visconti, offrirait un jour une fresque magistrale de ces bouleversements : le cadavre d’un partisan des Bourbons en putréfaction sous un citronnier qui plane sur toute l’évocation, les coups de boutoirs des Chemises rouges, fanées par le soleil de Sicile ; l’Église se sentant menacée dans son pouvoir temporel, un jeune aristocrate, plein d’allant et d’opportunisme, qui rejoint les garibaldiens ; et enfin, la rêverie d’un prince lucide contemplant le déclin de sa caste, à la fois suprêmement désintéressé et prêt à transiger pour sauvegarder sa tranquillité.

Par quel mystère mes aïeux, calvinistes bon teint, ont-ils eu un cousin zouave pontifical ? Le XIXe siècle était encore un temps où catholiques et protestants ne s’alliaient guère. Pour deux époux, en particulier, il n’y avait point de salut possible sans conformité parfaite en fait d’opinions religieuses.

Paris a tout pour plaire à Marie-Sophie. Bien sûr, c’est la ville des peintres, des savants, des poètes et des rêveurs, mais pour elle, c’est d’abord la ville des amoureux, la ville d’Emmanuel…

… Ici, Marie-Sophie sait qu’elle pourra se libérer de ses chaînes et de ses ténèbres, mener une vie plus intime et plus simple. Elle ne se sentira pas sans cesse mouchardée, espionnée, traquée, par une population soupçonneuse et hostile.

Cette femme accablée de deuils et de revers semble avoir trouvé une consolation dans le respect et l’estime universelle pour une des infortunes les plus dignement supportées qu’on ait jamais connues.

On peut être ambitieux de coucher dans le lit des autres, mais on ne doit pas espérer d’y dormir tranquille.

Le temps fait peu sur la vengeance des femmes, car chez elles la mémoire, attachée au service du cœur, ne perd aucun souvenir.

Terminé en mai 2021

17 réflexions sur “« Le secret de la reine soldat » de Lorraine Kaltenbach

    1. c’était une rebelle avant l’heure. Son histoire est fascinante et celle de l’Italie aussi.
      J’ai bien aimé également la manière dont « Le Guépard » nous accompagne j’ai eu des images du film qui revenaient souvent.
      Objectif suivant lire le roman car il me nargue toujours sur une étagère de ma bibliothèque (ce serait plutôt mes bibliothèques..)
      bon dimanche à toi aussi il faut en profiter vue la semaine calamiteuse qui se profile 🙂

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    1. c’est une rebelle et vue l’époque elle a du mérite. Je ne la connaissais pas (je connaissais surtout les aînés de la famille Wittelsbach ) elle traverse pratiquement un siècle puisqu’elle meurt à plus de 80ans et à un moment riche de l’Histoire de l’Europe.
      je l’admire …

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    1. une très belle lecture (quand on aime l’Histoire, le monde culturel et politique du XIXe.. Et l’auteure insère beaucoup de belles citations d’auteurs que j’aime.
      Je vais me procurer la version papier car les notes version e-book c’est compliqué on fait beaucoup de « va et vient »…

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    1. cette femme ô pardon, cette reine! m’a énormément plu elle a fait preuve d’un courage considérable car elle a vécu beaucoup de choses difficiles (je plus insister sur sa jeunesse mais on la suit jusqu’à la fin de sa vie)
      j’ai appris pas mal de choses, réviser le Risorgimento et c’était plus que nécessaire…
      Ce livre est passionnant et très documenté (si on veut approfondir )
      j’ai fait durer le plaisir 🙂

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    1. c’est une femme d’exception, c’est sûr qu’il faut aimer l’Histoire mais son destin de femme tellement en avance pour l’époque nous montre à quel point le combat doit continuer…
      elle se rendait au chevet des soldats qui se battaient pour la couronne, elle aller les réconforter voire les soigner et ils étaient tous prêts à mourir pour elle alors que son époux était un roi pâlichon 🙂

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