« Bobok » de Fiodor Dostoïevski

Je ne peux pas participer au challenge sans un petit bonjour à l’ami Fiodor dont je vous propose cette courte nouvelle :

Résumé de l’éditeur :

Publié en 1873 dans la revue Grajdanine, « Bobok » est une histoire de cimetière extravagante et quasi surréaliste ou les morts revivent sous terre et constituent un microcosme social hiérarchisé. Les grands thèmes dostoïevskiens sont tous présents, depuis la douleur et l’angoisse métaphysique jusqu’au problème de l’abolition de tout impératif moral, du « tout est permis »

Ce que j’en pense :

Ivan Ivanovitch, notre héros, écrivain sans le sou, plus ou moins raté, décide d’aller se distraire en assistant à l’enterrement d’un membre de sa famille. On l’ignore royalement, mais il décide de rester dans le cimetière et là il commence à entendre des voix…

Ce sont les morts qui discutent entre eux, sur ce qui fut leur vie, leurs regrets, n’hésitant pas à jouer aux cartes entre eux, et les conversations sont à peu près aussi animées que chez les vivants. On rencontre un général, une vieille dame, un boutiquier…  Ils attendent en fait, l’arrivée des nouveaux pour mettre un peu de sel dans la conversation.

Dans cette nouvelle extravagante presque surréaliste, on retrouve les thèmes chers à Dostoïevski : la pauvreté, la mort, l’écrivain maudit et même les références au jeu (il a choisi de faire jouer les morts aux cartes, les osselets, cela aurait été plus drôle !), mais aussi ce qui le hante toujours : la souffrance, la maladie, la mort.

Cependant, l’air de rien, il dénonce aussi, au passage, les droits bafoués ou le manque de liberté du régime Tsariste, qui n’a jamais été tendre avec lui, allant jusqu’à l’envoyer en déportation.

J’ai bien aimé cette nouvelle, même si ce n’est pas l’enthousiasme habituel, force est de constater que Dostoïevski réussit toujours à m’emmener dans son univers, car il aborde des choses tristes toujours avec une pointe d’ironie. Il est brillant dans le drame, comme dans l’interrogation philosophique, ou ici quand il frôle l’absurde. De toute manière, tout le monde sait que je suis une groupie de l’auteur, donc le plaisir sera toujours présent…

En ce qui concerne le titre, « Bobok » signifie petit haricot mais, dans le cas présent il est plutôt synonyme de « non-sens ».

C’est ma quatrième lecture dans le cadre du Challenge du mois de l’Europe de l’Est et je remercie le site « bibliothèque russe et slave.com » où je déniche toujours des pépites

L’auteur :

Pour en savoir plus sur Fiodor Dostoïevski et son œuvre, je vous conseille « Trois maîtres : Balzac, Dickens, Dostoïevski » de Stefan Zweig.

Une excellente série russe lui a été consacrée et diffusée sur ARTE avec un acteur très convaincant Evgueni Mironov, entre autres…

Quelques extraits pour donner envie :

Mon ami a raison. Il se passe quelque chose d’étrange en moi. Mon caractère change, lui aussi, et la tête me fait mal. Je commence à voir et à entendre des choses étranges. Ce ne sont pas précisément des voix, mais c’est comme si quelqu’un à mon côté répétait tout le temps : « Bobok, bobok, bobok ! » Que veut dire ce Bobok ? Il faut se distraire.

Avec beaucoup de défiance je regardais les figures des morts, me tenant en garde contre mon impressionnabilité. Certaines expressions sont douces, d’autres pénibles. En général les sourires sont vilains. Je n’aime pas cela ; j’en rêve.

Admirer tout est idiot, c’est certain : tandis que ne rien admirer est, pour une raison ou pour une autre beaucoup plus distingué et est reconnu de bon ton. Mais je doute qu’il en soit ainsi réellement. À mon sens, n’admirer rien est beaucoup plus stupide qu’admirer tout. En outre, ne rien admirer c’est ne rien apprécier. Et un homme stupide n’est pas capable d’apprécier.

Aussi étrange qu’inattendu. Une des voix absolument pondérée et ferme, l’autre, comme qui dirait, doucement sucrée. Je n’en croirais rien si je ne l’avais entendu de mes propres oreilles. Je n’ai pas été, je crois, au repas funèbre. Pourtant, qu’est-ce que ce jeu dans un tel lieu, et quel est ce général ? Que cela sortît du fond des tombes, voilà qui n’était pas douteux.

Bon. Ils m’ont obligé. Rien à dire. Ils m’ont consolé. Du moment que même en bas les choses sont ainsi, que peut-on exiger de l’étage supérieur ? Mais quelles plaisanteries ! Je continuai malgré tout à prêter l’oreille, bien qu’avec une extrême indignation :

— Ah ! ah ! ah ! qu’est-ce qui m’arrive, se mit soudain à gémir une petite voix nouvelle.

— Un petit nouveau, votre Excellence, un nouveau, Dieu soit loué ! et il est en avance, n’est-ce pas ? Parfois ils se taisent huit jours…

— Tiens, un jeune homme, je crois, s’écria d’une voix gémissante Avdotia Ignatievna.

Lu en mars 2021

15 réflexions sur “« Bobok » de Fiodor Dostoïevski

    1. j’adore Dostoïevski,je me répète mais j’ai été « contaminée à l’adolescence… grâce à ma prof de russe…
      je voudrais tout lire en laissant « les frères Karamazov » pour la fin et relire mes préférés… il fait partie de mon trio personnel avec Maupassant et Balzac 🙂

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    1. j’aime bien les nouvelles, car il est très éclectique! on pleure mais on peut rire avec « La femme d’un autre et le mari sous le lit » ou « Le crocodile »
      sur ce site on peut trouver des trésors et beaucoup de ses nouvelles y figurent 🙂
      j’ai trouvé « Le musicien aveugle » de Vladimir Korolenko que j’ai adoré il y 2 ou 3 ans 🙂

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