« Et la vie reprit son cours » de Catherine Bardon

Ayant beaucoup aimé le premier roman de Catherine Bardon : « Les déracinés » ce troisième opus me tendait donc les bras :

Résumé de l’éditeur :

LA SAGA LES DÉRACINES


Après Les Déracinés et L’Américaine, découvrez le troisième tome de la superbe fresque historique imaginée par Catherine Bardon. Au cœur des Caraïbes, en République dominicaine, la famille Rosenheck ouvre un nouveau chapitre de son histoire.

Jour après jour, Ruth se félicite d’avoir écouté sa petite voix intérieure : c’est en effet en République dominicaine, chez elle, qu’il lui fallait poser ses valises. Il lui suffit de regarder Gaya, sa fille. À la voir faire ses premiers pas et grandir aux côtés de ses cousines, elle se sent sereine, apaisée. En retrouvant la terre de son enfance, elle retrouve aussi Almah, sa mère, l’héroïne des Déracinés. Petit à petit, la vie reprend son cours et Ruth – tout comme Arturo et Nathan – sème les graines de sa nouvelle vie. Jusqu’au jour où Lizzie, son amie d’enfance, retrouve le chemin de Sosúa dans des conditions douloureuses.

Roman des amours et de l’amitié, Et la vie reprit son cours raconte les chemins de traverse qu’emprunte la vie, de défaites en victoires, de retrouvailles en abandons.
Guerre des Six-Jours, assassinat de Martin Luther King, chute de Salvador Allende… Catherine Bardon entrelace petite et grande histoire et nous fait traverser les années 1960 et 1970. Après Les Déracinés, salué par de nombreux prix, et le succès de L’Américaine, elle poursuit sa formidable fresque romanesque.

Ce que j’en pense :

Et voici le tome 3 de la série ! nous retrouvons la famille Rosenheck dans son domaine de Sosua, avec le retour au bercail de Ruth, la fille d’Almah et Wil. L’escapade américaine est terminée et elle reprend la vie en famille dans son île, s’apercevant au passage, lors de son retour qu’elle avait eu en fait le mal du pays.

On va suivre toute la famille et ses proches sur un dizaine d’années, de 1967 à octobre 1979, pour être plus précise. Ruth a grandi intérieurement (depuis l’Américaine) elle retrouve ses marques, la ferme, las promenades à cheval, le métier de journaliste auprès de Markus. Elle a laissé Arturo Soteras retourner aux USA, car il s’y sent mieux, plus accepté du fait de son homosexualité, qu’il est obligé de cacher à sa famille, catholique, ultra-conservatrice. Il poursuit sa carrière de pianiste. Et il peut compter sur Myriam, la sœur de Wil qui vit à New-York.

Ruth fait la connaissance du frère d’Arturo, Domingo, médecin promis à une belle carrière à Santiago, qui fait la fierté de ses parents. Cela ne plaît pas trop à Arturo, mais c’est le coup de foudre, Domingo va même lâcher sa carrière hospitalière pour s’occuper de l’association d’Almah, campagnes de vaccinations, soins des plus démunis.

Leur mariage sera l’occasion de revoir tous les proches éparpillés un peu partout, Svenka en Israël, Lizzie, l’amie d’enfance de Ruth qui est plongée dans le mouvement hippie, concerts, drogues, « peace and love » et d’autres encore…

On suit l’évolution de cette famille, et en parallèle tous les évènements qui se passent dans le monde durant cette dizaine d’années. Des guerres entre Israël et la Palestine, aux manifestations contre la guerre aux USA, les droits des minorités. On croise ainsi, Moshé Dayan, Golda Meir, mais aussi Jimmy Hendrix, Otis Redding, Janis Joplin, l’assassinat de Martin Luther King…

On suit l’évolution de la situation politique en République dominicaine : Trujillo n’est plus là, mais un autre dictateur lui a succédé et la famille est toujours obligée de se méfier, dans ses échanges de courriers avec les USA comme avec Israël notamment. Les USA jouent toujours les arbitres du monde dans leur chasse au socialisme (cf. L’assassinat de Salvadore Allende au Chili pour mettre en place Pinochet entre autres….

Les traumatismes du passé sont toujours là, et Catherine Bardon évoque très bien la difficulté de vivre parfois des enfants de déportés, des exilés, avec le syndrome du survivant. Lizzie en est un exemple particulièrement émouvant et éprouvant pour la famille, les drogues, notamment le LSD ne faisant pas bon ménage avec la santé mentale.

Dans ce troisième opus, on va voit arriver quelqu’un que l’on a bien connu dans « Les déracinés » et le passé est quand même toujours là, tapi dans l’ombre pour le bien comme pour le mal.

J’ai beaucoup aimé ce roman, et j’ai eu un grand plaisir à retrouver notamment Almah sa force de caractère, sa liberté d’esprit, son opiniâtreté. Les autres personnages sont moins attachants, mais je dois reconnaître que Ruth a bien évolué ; je l’avais trouvé irritante immature dans « l’Américaine », mais il n’est pas évident de trouver sa place quand la personnalité des parents est aussi forte. C’est plus simple pour son frère, Frederick, qui a repris la ferme.

Ce roman est comparable par son intensité et ses références à l’Histoire au premier tome qui reste quand même mon préféré, mais c’est dans un mouchoir de poche. Comme dans les précédents, l’auteure fait un clin d’œil à Stefan Zweig…

Un immense merci à NetGalley et aux éditions Les Escales pour m’avoir permis de déguster ce roman en avant-première. J’ai décidé d’acheter tous les romans qui m’ont été proposés pendant le confinement, afin de les offrir, ce sera ma modeste participation.

#Etlavierepritsoncours #NetGalleyFrance

️ ❤️ ❤️ ❤️ ❤️   

L’auteure :

Catherine Bardon est une amoureuse de la République dominicaine. Elle a écrit des guides de voyage et un livre de photographies sur ce pays, où elle a passé de nombreuses années. Elle vit à Paris. On lui doit « Les Déracinés », « L’Américaine » et « Et la vie reprit son cours ».

Extraits :

Je retrouvais mon âme d’enfant. Le carnaval était fait pour ça. Une véritable ode païenne sans aucune retenue, où tout un peuple communiait sans considérations de classe, d’origine ou de couleur de peau.

Une pensée pour mon oncle Aaron me traversa l’esprit. Lui qui avait fait sienne la devise de Ludwig Wittgenstein « La différence entre un bon et un mauvais architecte réside en ce que le mauvais succombe à toutes les tentations quand le bon leur tient tête » aurait trouvé là matière à réflexion.

La seule façon de s’affranchir des diktats de cette société encalminée dans le carcan d’un ordre moral rigide hérité des catholiques espagnols, c’était de la fuir.

Il est donc écrit que nous ne vivrons jamais en paix. Nous aurions pu croire, après ce que nous avons traversé, particulièrement notre peuple, que le monde serait plus sage. Nous aurions tant aimé qu’il soit plus sage, comme nous aspirions si fort à la paix. Et nous allons de déception en déception. Plus que jamais je pense que la guerre est une fatalité et la paix une utopie.  Lettre de Svenja, guerre Israël Palestine août 1967

Almah sentait poindre en elle des envies, des espérances, des idées qui voulaient prendre de l’ampleur. Elle n’était pas vieille, sa vie était loin d’être terminée et elle n’avait pas dit son dernier mot. Maintenant que tout était en ordre, le temps était venu de se montrer égoïste.

On m’avait appris à ne rien jeter. Le moindre objet pouvait trouver son utilité, sa fonction, être recyclé, servir d’engrais. C’était une éducation à l’écologie avant l’heure, j’étais pétrie de ce bois-là et peu à peu je le convertis à cette façon de vivre.

J’avais abandonné les incertitudes de ma vie. Je n’avais plus à chercher ma place dans le monde. Elle était à côté de lui. C’était nouveau pour moi, ce sentiment de force, d’invulnérabilité. La perspective de vivre et de vieillir à ses côtés me paraissait infiniment douce et rassurante.

Golda était la troisième femme au monde à accéder à ce niveau de responsabilité. Je découvrais au passage qu’en 1938 elle avait été « observateur juif de Palestine » à la conférence d’Évian, celle-là même qui avait abouti, après bien des méandres, à l’exil de mes parents ici.

Reprenant à son compte un mot de Zweig, Almah disait volontiers en riant « Nous serons “des curiosités pour la génération suivante, les derniers exemplaires d’une race éteinte, Homo austriaco-judaicus” et en même temps le premier maillon d’une nouvelle race, Homo dominicano-austriaco-judaicus. »

Lizzie souffrait-elle de ce mal indicible des héritiers de la Shoah, elle qui semblait la plus forte d’entre nous ? Les racines du drame étaient-elles là ? Dans une enfance mal préservée, dans la douleur de grandir et l’impossibilité de trouver sa place dans une société indifférente à notre histoire ?

« La vie est un jeu de dupes, elle vous fait croire à de grandes espérances, puis elle vous lâche en vous riant au nez d’y avoir cru », « Le monde dans lequel je vis est cassé. Il n’y a que la merde et l’absurdité. La vie ne mérite qu’un pied de nez »,

J’avais le net sentiment qu’une nouvelle page de notre histoire venait de s’écrire avec le sacre de Nathan et je me fis la réflexion que dans cette famille il était dit que ce seraient les plus jeunes qui accompliraient les rêves des aînés.

Je devais apprendre à vivre avec ça. Apprendre que ce sont nos absents qui nous constituent, qui nous font ce que nous sommes, autant que nos vivants.

Lu en avril 2020

22 réflexions sur “« Et la vie reprit son cours » de Catherine Bardon

  1. Belle initiale, Ève. Et très belle chronique. Je n’ai jamais découvert cette saga qui a pourtant l’air très intéressante. J’imagine, à juste titre, qu’il faudrait que j’en lise les tomes précédents avant de découvrir celui-ci ? Cela ne se lit pas indépendamment ? ☺️

    J’aime

    1. de temps en temps l’historiette fait du bien, ce que je préfère dans cette saga c’est le côté Histoire, c’est sûr la petite histoire reste fade par rapport à la grande et on n’est pas dans « Les rois maudits » que j’ai lu plusieurs fois et que j’apprécie toujours autant 🙂

      J’aime

  2. Je n’ai pas encore lu le premier pourtant il est noté depuis longtemps à présent dans mon carnet…Je les lirai, tu es enthousiaste et me donne envie mais du coup je n’attendrai peut-être pas entre les tomes et finalement c’est mieux ainsi…

    Aimé par 1 personne

    1. j’avais lu les 2 premiers à la suite c’était bien, car pour celui-là il y a des évènements que j’avais oubliés donc c’est mieux de les enchaîner, car les personnages sont bien présents dans la mémoire, il faut d’abord que « Les déracinés » te plaisent 🙂

      J’aime

    1. j’ai apprécié cette série (surtout le T1 car montée du nazisme, nuit de cristal exil forcé… ) mais ensuite on apprend des choses sur l’Histoire de la République Dominicaine, la naissance d’Israël entre autres.
      C’est sûr, intégrer une saga familiale c’est difficile, car cela parait toujours fade à côté mais ce genre de sagas me fait du bien 🙂

      Aimé par 1 personne

Laisser un commentaire

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur la façon dont les données de vos commentaires sont traitées.