Ce livre tient une place particulière dans mon été caniculaire et j’ai fait durer le plaisir en étalant la lecture sur juillet et août:
Quatrième de couverture:
Assez tôt, j’ai compris que je n’allais pas pouvoir faire grand-chose pour changer le monde. Je me suis alors promis de m’installer quelque temps, seul, dans une cabane. Dans les forêts de Sibérie.
J’ai acquis une isba de bois, loin de tout, sur les bords du lac Baïkal.
Là, pendant six mois, à cinq jours de marche du premier village, perdu dans une nature démesurée, j’ai tâché d’être heureux.
Je crois y être parvenu.
Deux chiens, un poêle à bois, une fenêtre ouverte sur un lac suffisent à la vie.
Et si la liberté consistait à posséder le temps ?
Et si le bonheur revenait à disposer de solitude, d’espace et de silence – toutes choses dont manqueront les générations futures ?
Tant qu’il y aura des cabanes au fond des bois, rien ne sera tout à fait perdu.
Ce que j’en pense:
Cette idée lui trottait dans la tête depuis sept, alors qu’il avait fait la connaissance du lac Baïkal, gelé sur plus d’un mètre en hiver, ce n’était pas une lubie. Il a construit ce voyage. Lorsque que le camion qui l’a amené avec ses provisions, les kilos de ketchup, la vodka, la musique et les livres, l’aventure peut commencer. Le garde forestier, Sergueï, lui dit au passage:
« Ici, c’est un magnifique endroit pour se suicider »…
Il s’organise dans son nouveau domaine, au cœur d’une solitude qu’il a voulue, il vit en fonction des éléments, il est en osmose avec la nature, le lac où il va apprendre à pécher, les tempêtes de neige, le temps ne s’écoule plus de la même façon.
« L’éventail des choses à accomplir est réduit. Lire, tirer de l’eau couper du bois, écrire et verser le thé deviennent des liturgies. En ville, chaque acte se déroule au détriment de mille autres. La forêt resserre ce que la ville disperse. » P 44
Ces six mois passés dans son isba, entre février et juillet, constituent une aventure certes, mais surtout c’est un voyage initiatique. Il apprend le silence, comme une méditation, les pensées parasites qui s’apaisent; il est axé sur l’essentiel, la nature, les arbres, les animaux, ici et maintenant.
Sylvain Tesson ne tombe pas dans l’angélisme, il voit les Russes tels qu’ils sont, et non tels qu’il les imagine, il voit les dégâts que l’homme inflige à la Nature, les dangers de l’urbanisation de la mondialisation et l’importance de l’écologie (la vraie, par les partis écolos) pour le futur de la planète.
« Nos rêves se réalisent mais ne sont que des bulles de savon explosant dans l’inéluctable ». P 97
J’ai beaucoup aimé ses réflexions sur la vie, le temps qui passe, la solitude, les autres (les plus proches sont à 5 heures à pied par exemple). Sa caisse de livres m’a plu car beaucoup de ceux-ci figurent dans mes lectures passées et à venir.
A noter quelques pages, (120 à 122) où il décortique « L’amant de Lady Chaterley » et oppose Lawrence à Gorki…
J’aurais bien aimé me lancer dans une telle aventure, mais il faut avoir la santé et la jeunesse pour survivre dans cet univers glacé, même si on s’enivre en le voyant absorber autant de vodka…
Ce livre, qui a reçu le prix Médicis Essai en 2011, est plein de poésie et m’a accompagnée comme une méditation car la façon de voir les choses, la vie de Sylvain Tesson me plaît beaucoup. Je le suis moins dans ses dérives alcoolisées qui ont eu entre autres le résultat qu’on sait, mais sa sensibilité me touche.
Un livre que je vais sûrement ouvrir et ré ouvrir car j’ai des annotations partout, beaucoup de phrases m’ont plu et je ne peux les citer toutes…
Je dirai au passage que j’ai beaucoup aimé le film de Safy Nebbou, qui est une adaptation libre, avec l’accord de l’auteur, avec ses paysages splendides et le jeu tout en finesse de Raphaël Personnaz et la musique magnifique d’Ibrahim Maalouf…
http://www.allocine.fr/personne/fichepersonne-94238/interviews/?cmedia=19563403
Extraits:
Il y a là tous les ingrédients de l’imagerie sibérienne de la déportation: l’immensité, la lueur livide. La glace a des airs de linceul. Des innocents étaient jetés vingt-cinq ans dans ce cauchemar. Moi, je vais y séjourner de mon plein gré. De quoi me plaindrais-je? P 24
Le Romain bâtissait pour mille ans. Pour le Russe, il s’agit de passer l’hiver. P 30
C’est fou ce que l’homme accapare l’attention de l’homme. La présence des autres affadit le monde. La solitude est cette conquête qui vous rend la jouissance des choses. P 36
Le froid, le silence et la solitude sont des états qui se négocieront demain plus cher que l’or. Sur une Terre surpeuplée, surchauffée, bruyante, une cabane forestière est l’eldorado. P 41
Je savais le vertige de l’ivrogne qui croit tenir une idée géniale: son cerveau refuse de la formuler correctement alors qu’il la sent grandir en lui. Je découvre le vertige de l’ermite, la peur du vide temporel. Le même serrement de cœur que sur la falaise — non pour ce qu’il y a dessous mais pour ce qu’il y a devant. P 52 ?
La solitude est une patrie peuplée du souvenir des autres. Y penser console de l’absence. P 53
Une question se pose à l’ermite: peut-on se supporter soi-même? P 54
Privé de conversation, de contradiction et des sarcasmes des interlocuteurs, l’ermite est moins drôle, moins vif, moins incisif, moins mondain que son cousin des villes. Il gagne en poésie ce qu’il perd en agilité. P 66
L’homme libre possède le temps. L’homme qui maîtrise l’espace est simplement puissant En ville, les minutes, les heures, les années nous échappent. Elles coulent de la plaie du temps blessé. Dans la cabane, le temps se calme. Il se couche à vos pieds en vieux chien gentil et, soudain, on ne sait même plus qu’il est là. Je suis libre parce que mes jours le sont. P 77
Cette œuvre disparaîtra au mois de mai. Les eaux l’engloutiront. La glace du Baïkal est un mandala dont le patient dessin sera effacé par la chaleur et le vent. P 91
La ville est une inscription dans l’espace de la culture, de l’ordre et leur fille naturelle, la coercition. P 100
Lu durant l’été 2017
Encore un qu’il faudrait que je lise…
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sa philosophie de la vie ma plaît et en plus il écrit bien. tout le livre est dans le même style que les extraits que j’ai eu du mal à choisir 🙂
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C’est vraiment très bien écrit.
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je vais lire le dernier « les chemins noirs » et peut-être les autres aussi 🙂
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Je vais déjà commencer par « Les forêts… »
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Je suis entièrement d’accord avec toi. J’ai lu « Dans les forêts de Sibérie » à sa sortie et j’ai beaucoup aimé. Dans la foulée, j’ai découvert plusieurs autres livres de Tesson, auteur que j’admire beaucoup. J’ai également apprécié le film qui, comme tu l’écris, est une adaptation libre. On ne peut donc se contenter du film, il faut absolument lire le récit. Bref, tu m’as donné très envie de le relire…
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on ne peut pas se contenter du film, c’est un petit plaisir en attendant le livre (un apéritif)
cet auteur est très attachant et je rate le moins possible ses passages à la télé.
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Depuis le temps que je me dis qu’il faut que je le lise.
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j’ai bien aimé, malgré les litres de vodka qu’on ingurgite, j’aime sa sensibilité…
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J’ai aussi beaucoup aimé ce livre. L’éditeur américain m’avait même demandé d’organiser un tour virtuel pour lui en 2013 et ça avait bien marché: https://francebooktours.com/2013/10/03/sylvain-tesson-on-tour-the-consolations-of-the-forest/.
J’espère avoir bientôt le tmeps de lire d’autres livres de lui
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jolies images…
Je vais continuer avec « Les chemins noirs » 🙂
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J’aime l’univers de Sylvain Tesson, bon pour moi sans la vodka. J’ai lu ce voyage et j’ai commandé les chemins noirs aussi. Mais peut être que la maladie nous fait aimer la solitude dans des expéditions improbables…
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je suis tout à fait d’accord avec toi, la maladie nous fait aimer la solitude et le parcours des gens qui se lancent à sa recherche. Je me suis vraiment sentie sur la même longueur d’ondes. J’ai réservé « Les chemins noirs » à la bibliothèque
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