Dans le cadre de l’opération nettoyage de PAL, avant de continuer à explorer les livres de la rentrée littéraire voici un roman qui était en attente depuis quelques années:
Quatrième de couverture:
Ces Japonaises ont tout abandonné au début du XXe siècle pour épouser aux États-Unis, sur la foi d’un portrait, un inconnu. Celui dont elles ont tant rêvé, qui a tant les décevoir. Chœur vibrant, leurs voix s’élèvent pour raconter l’exil: la nuit de noces, les journées aux champs, la langue revêche, l’humiliation, les joies aussi. Puis, le silence de la guerre. Et l’oubli.
D’une écriture incantatoire, Julie Otsuka redonne chair à ces héroïnes anonymes dans une mosaïque de la mémoire éblouissante.
Ce que j’en pense:
Belle découverte car je ne connaissais pas cet épisode de l’Histoire…
J’ai longtemps attendu pour lire ce roman, car j’aime bien prendre mon temps quand il y a un emballement médiatique; de plus, j’ai été plutôt échaudée avec les prix littéraires (cf. « Boussole » que je n’ai pas encore terminé ou « Le royaume » qui me nargue dans ma bibliothèque!!!).
J’ai aimé l’histoire de ces femmes qui ont tout quitté pour épouser des Américains qu’elles n’avaient vus qu’en photo, pour avoir un meilleur avenir. L’auteure a décrit sans pathos leur traversée en mer, leurs appréhension à l’idée de la rencontre, la désillusion, les photos étaient souvent trompeuses, la nuit de noce, leurs conditions de travail extrêmement difficiles, leurs accouchements et le parcours de leurs enfants ainsi que les relations avec les Blancs…
Les mères font tout pour que leurs enfants aient une vie meilleure, mais voient qu’ils oublient le vocabulaire japonais, s’éloigne des coutumes et s’américanisent et surtout ont parfois honte d’elles:
» Et surtout, ils avaient honte de nous. De nos pauvres chapeaux de paille et de nos vêtements miteux. De nos mains calleuses, craquelées. De nos visages aux rides profondes tannés par des années passées à ramasser les pêches, tailler les vignes en plein soleil. Ils voulaient des mères différentes, meilleures, qui n’aient pas l’air aussi usées, P 86
Les Japonais sont appréciés pour leur discrétion, leur politesse, mais on ne se mélange pas trop, une situation de compromis jusqu’à l’attaque de Pearl Harbor , où ils deviennent L’Ennemi, que l’on va traquer, dénoncer, déporter d’une manière qui rappelle étrangement la rafle du Vel d’Hiv, et les délations de l’époque…
Julie Otsuka nous livre ici un roman polyphonique, elle emploie toujours le terme « nous » pour donner la parole à ces femmes, avec leurs vies, certes, différentes, mais en plus de chaque destin individuel, c’est le destin collectif d’un groupe de femmes, et le rythme s’amplifie, les instruments se répondent et les thèmes s’enrichissent comme dans une symphonie pour atteindre le point d’orgue.
Elle prend soin aussi d’écrire en italiques les nuances, les précisions qui sont individuelles, au milieu de cette narration collective…
Julie Otsuka a reçu le prix Femina étranger en 2012 pour ce livre que j‘ai vraiment beaucoup aimé, et un seul regret, avoir attendu trop longtemps pour le lire.
Extraits:
Attends-toi au pire mais ne t’étonne pas qu’ils soient gentils à l’occasion. La bonté est partout. N’oublies pas de les mettre à l’aise. Sois humble. Polie. Montre-toi toujours prête à faire plaisir. Réponds par: « oui monsieur » ou « non monsieur » et vaque à ce qu’on te demande. Mieux encore, ne dis rien du tout. A présent tu appartiens au monde des invisibles. P 34
Nous revenions moins cher à nourrir que les Américains d’Oklahoma ou d’Arkansas, qu’ils soient ou non de couleur. Un Japonais peut vivre avec une cuillerée de riz par jour. Nous étions la meilleure race de travailleurs qu’ils aient jamais employée au cours de leur vie. Ces gars-là arrivent, et on n’a pas du tout besoin de s’en occuper. P 38
Il arrivait qu’il regarde à travers nous sans nous voir, et c’était là le pire. Est-ce que quelqu’un sait que je suis ici? P 39
Parfois, nos maris achetaient un chien de garde, qu’ils appelaient Dick ou Harry ou Spot, et ils finissaient par s’attacher davantage à cet animal qu’à nous, et nous nous demandions si nous n’avions pas fait une bêtise en venant nous installer sur une terre si violente et hostile. Existe-t-il une tribu plus sauvage que les Américains? P 46
Car la seule manière de leur résister, nous avait appris nos maris, c’était de ne pas résister. Néanmoins, la plupart du temps, nous restions chez nous, dans le quartier japonais, où nous nous sentions en sécurité, au milieu des nôtres. Nous apprenions à vivre à l’écart, en les évitant autant que possible. P 62
Ils avaient sûrement dû dire ou faire quelque chose, ils avaient sûrement commis une erreur, ils devaient être coupables de quelque chose, d’un crime obscur peut-être dont ils n’avaient même pas conscience? … Ou bien leur culpabilité était-elle inscrite sur leur visage, visible aux yeux de tous? Était-ce leur faciès, en fait, qui les rendaient coupable? Parce qu’ils ne plaisaient pas à tout le monde? Ou pire, parce qu’il en offensait certains. P 100
Lu en août 2017
Une lecture marquante que j’avais beaucoup aimé.
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ce n’est ps un livre que je pourrais oublier, cela a dû encore majorer la manière dont j’ai réagi enlisant « Cyanure » 🙂
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J’avais appris cet épisode historique grâce à ce beau livre moi aussi.
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la manière dont elle raconte leur rend vraiment hommage je trouve
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Oui, tout en retenue…
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oui une belle lecture qui mérite son emballement médiatique 🙂 (ça arrive parfois!!)
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bien d’accord, parfois on se demande pourquoi des livres ont un tel succès alors que ils ne sont pas transcendants …
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Lu et adoré ! J’aime, encore une fois, ton choix des extraits.
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elle a vraiment rendu un bel hommage à ces femmes avec l’emploi du nous et le côté choral
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Je l’ai lu, puis écouté et j’ai beaucoup aimé la version audio.
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Un seul regret vraiment, ne pas l’avoir lu plus tôt.
je n’ai encore jamais essayer les livres audio, j’ai peur que ma concentration soit insuffisante, ma mémoire visuelle est bien meilleure…
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J’en garde un excellent souvenir. Une très belle lecture et j’ai encore en tête les longs paragraphes avec le « nous »…
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il est excellent et je crois qu’il va rester longtemps dans ma tête aussi…
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