« Dessous les roses » d’Olivier Adam

Aujourd’hui, je vous parle d’un roman qui me faisait de l’œil à la bibliothèque alors pourquoi résister :

Quatrième de couverture :

– Tu crois qu’il va venir ? m’a demandé Antoine en s’allumant une cigarette.

J’ai haussé les épaules. Avec Paul comment savoir ? Il n’en faisait toujours qu’à sa tête. Se souciait peu des convenances. Considérait n’avoir aucune obligation envers qui que ce soit. Et surtout pas envers sa famille, qu’il avait laminée de film en film, de pièce en pièce, même s’il s’en défendait.

– En tout cas, a repris mon frère, si demain il s’avise de se lever pour parler de papa, je te jure, je le défonce.

– Ah ouais ? a fait une voix derrière nous. Je serais curieux de savoir comment tu comptes t’y prendre…

Antoine a sursauté. Je me suis retournée. Paul se tenait là, dans l’obscurité, son sac à la main. Nous n’avions pas entendu grincer la grille. J’ignore comment il s’y prenait. Ce portillon couinait depuis toujours. Aucun dégrippant, aucun type d’huile n’avait jamais réussi à le calmer. Mais Paul parvenait à le pousser sans lui arracher le moindre miaulement.

Ce que j’en pense :

Le père de famille est décédé et la famille doit se retrouver pour organiser les obsèques. Cependant, tout est suspendu à la présence ou non de Paul, l’artiste de la famille : cinéaste, auteur de théâtre. Viendra, viendra pas ? Tout est possible vues les relations familiales houleuses.

Nous avons donc, la mère de famille, persuadée que son rejeton préféré va venir, alors qu’il est en rupture totale depuis longtemps avec ses proches : il ne digère pas son « enfance malheureuse d’artiste incompris, à qui l’on n’a pas assez dit qu’on l’aimait et qu’il était exceptionnel et qui en profite pour régler ses comptes avec parents et fratrie dans chaque nouveau film ou nouvelle pièce de théâtre.

La fille aînée, Claire, a toujours été un modèle, travaillant, à l’école pour être infirmière, dévouée aux autres, sans se plaindre. Mariée, mère de deux adolescents, en pleine révolution, et un mari à peine plus mature.

Le benjamin, Antoine, a poussé sans problème, et a réussi dans ses études et son travail, même si sa vie n’est pas aussi enthousiasmante qu’il l’aurait souhaité, notamment côté cœur, car il semble toujours amoureux de sa première petite amie, et ne parvient pas à construire une vraie relation.

Le cadet, Paul, est donc l’artiste de la famille. Il ne se rend pas compte, dit-il, des ravages produits par ses créations artistiques sur la famille, (pour lui, c’est de la création, une œuvre d’art), non seulement il règle ses comptes avec sa famille mais aussi en bon Parisien, avec son village, n’hésitant pas cependant à plonger dans la satire sociale quand cela peut lui rapporter une bonne notoriété.

Olivier Adam a composé son roman, comme une pièce de théâtre, plusieurs actes, donnant la parole tantôt à Claire, tantôt à Antoine, ce n’est qu’à la fin qu’il donnera la parole à Paul, ce qui rend le récit fluide, agréable à lire (comme le plus souvent dans ses écrits). Il aborde très bien les difficultés relationnelles dans une fratrie, la place (ou l’absence de place) de chacun et surtout, la manière dont chacun des trois a vécu ce que Paul appelle l’absence de chaleur familiale, l’absence de compliments et les conséquences sur la confiance en soi que cela peut entraîner.

Aucun des trois enfants n’a les mêmes souvenirs, et tandis que Paul réinvente l’histoire, les autres, Antoine notamment, plonge dans le ressentiment, le jugement, la colère vis-à-vis de son aîné.

Il faut se souvenir, qu’à une époque pas si lointaine, les parents se cantonnaient à un rôle éducatif : leur fournir l’éducation, la nourriture, les habiller, leur fournir un toit, ce qu’eux-mêmes n’avaient pas toujours reçu, et que le père devait travailler pour subvenir à tout cela. Cela ne leur venait pas à l’esprit, qu’un enfant pouvait avoir besoin qu’on lui dise qu’on l’aime dans la mesure où ils avaient l’impression d’avoir rempli leur rôle. On a tous des griefs vis-à-vis de l’éducation qu’on a reçu, mais ce sont aussi les frustrations qui nous aident à nous construire.

J’aime bien retrouver la plume d’Olivier Adam, que j’ai découvert avec « Falaises » il y a une dizaine d’années et dont j’ai lu pas mal de livres, y compris ceux pour la jeunesse et ce roman m’a bien plu, pour l’analyse des relations familiales, et pour l’écriture.

7,5/10

L’auteur :

Né en 1974, Olivier Adam est l’auteur de nombreux romans (quarante trois pour être précis) parmi lesquels : « Je vais bien, ne t’en fais pas » adapté au cinéma par Philippe Lioret, « Falaises » « Des vents contraires » « Le cœur régulier », « Les lisières », « Peine perdue »

Extraits :

Un écrivain dans la famille, c’est la mort de cette famille, disait Philip Roth. Ben c’est pareil pour les cinéastes et les metteurs en scène, m’avait-il asséné un jour…

Merde ; Papa était mort, non ? On l’enterrait demain ou j’avais rêvé ? Et après, c’est moi qui passais pour un type sans cœur. Mais, je suppose que c’est comme ça dans toutes les familles. Que les rôles sont distribués une fois pour toutes. L’aînée responsable et bienveillante. Le cadet instable, avec son tempérament d’artiste. Et puis moi, le benjamin dynamique, concret, efficace. Performant. Pragmatique…

Dans une fratrie, mieux vaut laisser à chacun son terrain d’excellence. Surtout quand on est le dernier. Qu’est-ce qu’on a pu m’emmerder au collège, au lycée, avec ma sœur si sage et sérieuse et mon frère si brillant.

Pour nos parents, je ne l’ai compris que plus tard, seuls les actes comptaient : nous assurer un toit, une éducation, des vêtements, trois repas par jour. Faire en sorte que nous ne manquions de rien. Que nous ayons toutes les chances de notre côté. La tendresse, il fallait en avoir le loisir…

Le vieillissement frappait ainsi. Par à-coups. Au gré des épreuves, des maladies et des deuils. Ce n’était pas vrai qu’on vieillissait peu e à peu. Non. On vieillissait subitement. Mais à plusieurs reprises. Par paliers. Je savais tout ça. Il n’empêchait que ça me préoccupait. D’autant que d’après moi ; la plus récente accélération avait commencé avec la maladie de Papa.

Lu en janvier 2023

11 réflexions sur “« Dessous les roses » d’Olivier Adam

    1. j’ai bien aimé le film « je vais bien t’en fais pas » mais pas encore lu le roman,
      son analyse da la famille m’a bien plu, même si ce brave artiste de Paul m’a quand même exaspérée au passage…
      Il y a une montée en puissance et des actions et réactions inattendues chez tous les protagonistes qui font mouche 🙂

      Aimé par 1 personne

  1. Je l’ai beaucoup lu dans le passé et moins à présent mais pourquoi pas, ce que tu en dis est tentant, il est plus sombre habituellement…Je l’appréciais beaucoup pour ses romans pour ados toujours poignants.

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