Je vous parle aujourd’hui d’un livre que j’ai choisi sur NetGalley pour retrouver une époque qui m’intéresse particulièrement :

Résumé de l’éditeur :
« Que cherchez-vous, mademoiselle ? » À la question posée par Walter Gropius, Clara répond : « Une vie. »
Dans l’Allemagne exsangue et tumultueuse des années 1920, le Bauhaus est plus qu’une école d’art. C’est une promesse. Une communauté dont le but est de mettre en forme l’idée de l’Homme nouveau. En 1926, l’école s’installe à Dessau. Dans le grand bâtiment de verre et d’acier, Clara, Holger et Théo se rencontrent, créant une sorte de Jules et Jim. À Berlin, toute proche, le temps s’assombrit. Les convictions artistiques ou politiques ne sont pas les seuls facteurs qui décident du cours d’une vie. Ce sont aussi, entre rêves d’Amérique et désirs de Russie, d’autres raisons et déraisons. Lorsque l’école sera prise dans les vents contraires de l’Histoire, les étudiants feront leurs propres choix. À qui, à quoi rester fidèle, lorsqu’il faut continuer ?
Ce que j’en pense :
Nous sommes en 1961, Clara Ottenburg quitte New-York où elle est venue pour un concert, quelques interviews, une conférence… une manière de rendre hommage à Brecht et à Kurt Weill. Elle a choisi de rentrer à Berlin, alors que Théo son amour de jeunesse lui conseillait de rester aux USA : en effet, on est en train d’ériger le Mur. Mais, Clara n’abandonnera pas Berlin, elle est restée pendant les années de plomb du Reich, alors qu’ils étaient tous partis alors elle persiste. Elle est « la femme qui reste ».
On retrouve ensuite l’année 1925, dans une Allemagne exsangue, sous la République de Weimar ; Clara se rend à la fête donnée à l’école des arts décoratifs de Burg Giebichenstein. Alors qu’elle désire être admise au Bauhaus, Clara est reçue de manière un peu cavalière, car si des filles sont admises, cela semble être en fait plus pour être dans l’air du temps que par réelle conviction. Elle y fait la connaissance de Théo, le flamboyant, qui occupe l’espace et de Holger son double version silence, timidité… le trio se constitue rapidement, et nous fait penser à « Jules et Jim » bien-sûr.
Clara ne peut pas compter sur sa mère Helga, véritable iceberg avec elle, alors que son père est décédé. Seule sa tante Louise croit en son talent artistique et la soutiendra toujours.
On va suivre ainsi toute la « scolarité » des étudiants du Bauhaus, leurs relations amoureuses, leurs créations, leurs frustrations, mais les chemises brunes sont de plus en plus visibles, le Bauhaus dérange, il est vécu comme un lieu de perdition, de débauche, un repère de Juifs et de communistes pour certains.
Peu à peu, beaucoup parmi les professeurs, les étudiants, vont fuir les persécutions.
J’ai bien aimé retrouver les étapes importantes du Bauhaus : la création du Bauhaus de Dessau à partir de la structure de Weimar par Walter Gropius, architecte plutôt controversé, qui va le diriger jusqu’en 1928 avec des méthodes assez sexistes, les femmes n’ayant pas le droit d’être architecte, elles doivent se contenter de tisser. Pour lui, il faut commencer par désapprendre ce que l’on vous enseigné auparavant.
Il cède la place pour que le lieu puisse continuer à évoluer à Hannes Meyer dont l’orientation est différente, plus communautaire tendance communiste.
« La créativité individuelle disparaitrait au profit de la construction coopérative … Garçons ou filles mêlés, tous semblables ; un enthousiasme collectif. »
Ensuite, c’est Ludwig Mies dan der Rohe qui prend la suite de 1930 à 1933. Il est célèbre mondialement pour avoir réalisé le pavillon allemand lors de l’Exposition universelle de Barcelone.
J’ai aimé rencontrer des artistes que j’apprécie d’autres que je connais moins : on rencontre aussi le musicien Kurt Weill que les nazis traiteront évidemment de dégénéré, son épouse, l’actrice Lotte Lenya, ou encore Bertolt Brecht et son épouse Helene Weigel, Marlène Dietrich et Josef von Sternberg tournant L’Ange bleu », le peintre allemand Albers et son épouse Anni, Otti Berger, tisserande hongroise qui sera déportée à Auschwitz avec sa famille et y mourra, Paul Klee ou encore Moholy-Nagy sans oublier Vassili Kandinsky que j’adore et tant d’autres…
Quant à l’histoire en elle-même, je suis beaucoup moins enthousiaste : si j’ai pu m’attacher à Clara, son opiniâtreté, son courage de rester à Berlin, puis d’y retourner alors que le mur se construit, j’ai peu apprécié Théo, trop superficiel à mon goût, protégé grâce à papa, qui lui permet de partir dans les meilleures conditions. Holger est perturbant, lui aussi, on ne sait pas bien ce qu’il veut vraiment. Il est un communiste convaincu, et s’engage à « construire une ville pour les Juifs » en Sibérie à la demande de Staline ! l’utopisme va lui coûter cher.
J’ai trouvé Clara courageuse, quand elle s’accroche pour survivre dans Berlin, acceptant n’importe quel travail : fabriquer les costumes au théâtre par exemple, avant de monter sur scène…
J’ai aimé suivre Berlin dans ses différentes évolutions, le nazisme, les bombardements, l’occupation à la fin de la guerre, puis le mur, et on a même droit à la liesse de la chute en 1989.
J’ai choisi ce roman pour retrouver le Bauhaus et son histoire car c’est un de mes centres d’intérêt, mais, je suis restée sur ma faim. J’ai tellement mieux aimé « Le bal mécanique » de Yannick Grannec que m’avait conseillé la bibliothécaire il y a quelques temps… je vous le conseille d’ailleurs si vous ne l’avez pas déjà lu…
Vous pouvez d’ailleurs retrouver ma chronique ici :https://leslivresdeve.wordpress.com/2017/05/14/le-bal-mecanique-de-yannick-grannec/
Certes, j’ai passé un bon moment avec « La femme qui reste » mais il me reste un goût d’inachevé, un peu de frustration, même si « L’Opéra de quat’sous » et la complainte de Mackie accompagnent le lecteur, telle une toile de fond … je pense que la prochaine fois je lirai un ouvrage consacré au Bauhaus…
Un grand merci à NetGalley et aux éditions Les Escales qui m’ont permis de découvrir ce roman et son auteure dont c’est le premier roman, je tiens à le préciser.
#LaFemmequireste #NetGalleyFrance
7,5/10
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L’auteure :
Créatrice textile, Anne de Rochas a collaboré de nombreuses années avec Yves Saint Laurent. En tant que graphiste, elle a travaillé avec des maisons d’édition musicale et discographique. Elle partage désormais son temps entre l’écriture et ses projets artistiques.
La Femme qui reste est son premier roman.
Extraits :
Accoudée au bastingage, Clara voit s’éloigner New-York. Ce n’est déjà plus qu’une série de minces traits verticaux, une reprise au fil d’argent dans le voile irisé de la brume. La fumée de sa cigarette finit d’en estomper les derniers reflets. Août 1961
Près de la table des professeurs, un homme est debout. Il tourne la tête et lève aussi son verre. Clara le reconnaît. C’est Walter Gropius. Celui dont Weimar ne veut plus, l’architecte controversé, l’ex-époux sulfureux d’Alma la scandaleuse, le trop à gauche pour les uns, trop bourgeois pour les autres, celui des entrefilets mondains, des comptes rendus culturels et des billets politiques. Comme ils ont l’air de l’aimer, tous, ces garçons et ces filles qui semblent n’avoir peur de rien, et comme il les regarde !
L’Art n’est pas un métier. Les arts perdent leurs majuscules lorsqu’ils sont appliqués.
Mais c’est cela, sans doute, la plus grande réussite de Gropius : leur promettre ce lieu qui, par sa beauté moderne, tient à la fois de cathédrale du futur, de monastère laïc et de foyer. Peu importe d’où ils viennent, de quel pays, de quel milieu, le Bauhaus leur donne une nouvelle identité, un nouveau passeport, un nom qui viendra toujours, dans ce lieu même et où qu’ils se trouvent, avant leur patronyme ou leur nationalité : Bauhaüsler.
Nous laissons le passé aux autres, à ceux qui ont quelque chose à renier ou à pleurer. Nous allons de l’avant avec notre bonne conscience.
Qui sommes-nous pour critiquer l’or de Kandinsky ? Nous le voyons comme un objet. Passéiste. Des morceaux de sacré, voilà ce que sont ces feuilles d’or ! Ce que Kandinsky nous enseigne, malgré nous, malgré tout. Voilà ce que nous disent aussi Klee, Feininger et Schlemmer, ne faites pas semblant de ne pas comprendre ! Nous avons tout notre fond d’or… Peu importe son nom… Peu importe sa forme…
Schlemmer écoute les commentaires de trois élèves. Il les connaît un peu, la fille, c’est la petite brune qui voulait intégrer son cours. Elle n’avait pas bien compris de quoi il s’agissait. La scénographie, c’est comme l’architecture. Une affaire d’hommes.
Aux hommes le cube, aux femmes le carré, aux hommes l’architecture, aux femmes le tissage. A elles d’en faire un atout.
Sommes-nous si peu intéressants individuellement qu’il faille tant de principes, tant de règles ? Que nous ayons besoin d’être encadrés ? Sommes-nous, sous notre apparence de liberté, trop disciplinés ? J’aimerais que nos transgressions ne soient pas que des plumes à nos casques de bons petits soldats.
Une île. Est-ce ainsi que Hannes Meyer voit le Bauhaus ? Une sorte de lieu protégé, intouché, à l’écart du monde ? Et eux, les élèves, sont-ils une sorte de peuplade indigène, avec ses rites, sa culture, son langage ? De bons sauvages peut-être ?
Dans le miroir, les couleurs étaient plus fortes, certes, mais qu’étaient-elles, les tisserandes ? Une fleur dans le vase ? Une caution de modernité ? Ou simplement une rente ?
Elle n’avait pas ralenti, n’avait pas dévié lorsque les huit chemises brunes l’avaient dépassée. Elle ne savait plus s’ils chantaient quelque chose ou s’ils criaient, elle revoyait l’image furtive de leurs bouches grandes ouvertes, de la haine qui trouait leur face, de la cruauté qui déchirait la rue, de la frange immonde d’imbécillité qu’avait laissée leur passage.
Nous sommes tous les gardiens d’une histoire, dit-elle. Nous en conservons les objets, et quand il n’y a pas d’objets, nous en conservons les mots.
Mais qu’as-tu fait Gropi ? Nous as-tu tous dépossédés de notre travail, de nos créations, pour la gloire du Bauhaus ou pour ta propre gloire ? As-tu voulu emporter les preuves que l’Allemagne pouvait être autre chose que ce qu’elle est devenue ? Que cette terre pouvait porter de beaux fruits ? Ou bien as-tu pressenti le danger, celui de voir détruit, massacré, tout ce en quoi nous avons cru ?
Les murs, c’est votre affaire à vous, les hommes. Nous, les femmes, c’est d’en faire des demeures. D’y mettre la vie, quelque chose sur la table, des fleurs, des tissus…
Il est dans ma PAL, Ève. Merci pour cet avis très complet. 😉
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j’ai passé un bon moment mais déception quand même… Si elle avait rendu ses personnages plus sympathiques, moins froids,cela aurait pu être une belle histoire …
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J’ai failli le demander à Netgalley et puis…j’ai du oublier. J’ai adoré la série « Banhaus » diffusée sur Arte je crois ou Netflix . Merci pour ce retour
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Je m’attendais à autre chose en le commençant situer une histoire avec le Bauhaus comme toile de fond, encore faut-il que l’on adhère aux personnages et je n’ai trouvé attachants que ceux qui ont vraiment existé 🙂
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Je n’ai lu que celui de Grannec, avec parfois l’impression que des personnages sont plaqués là pour parler d’une période précise. Je préfère un livre sur le Bauhaus, carrément.
Cependant j’ai beaucoup aimé Le palais de verre de Simon Mawer, roman qui fait la part belle à une construction de Mies van der Rohe à Brno
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dans le cas présent, le Bauhaus sert vraiment de faire valoir pour raconter une histoire qui aurait pu être intéressante : suivre l’évolution de Berlin, des exils du Mur mais c’est quand même peu crédible
celui de Yannick Gra nnec a une âme , il fait vibrer mais ici il n’y a que le Bauhaus Gropius Brecht Weill et autres que j’ai aimé suivre….
Je note « Le palais de verre » par contre car je ne le connais pas 🙂
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Bon, j’aurais appris des choses si je l’avais choisi sur les étagères de NetGalley mais je ne regrette pas de ne pas l’avoir fait vu ce que tu en dis. Par contre, l’autre roman que tu évoques m’interpelle !
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j’étais ravie de découvrir ce roman, mais la déception est là car je n’ai aimé que ce qui tourne autour du Bauhaus et l’histoire (limitée hélas) de ceux qui ont participé et dû s’exiler… Et le contexte historique bien-sûr mais je préfère les vrais romans historiques dans ce cas.
« Le bal mécanique » a été vraiment une belle lecture pour moi 🙂 (j’ai encore « La déesse des petites victoires » de l’auteure en réserve 🙂
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Je vais me renseigner alors, merci 🙂
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J’ai été déçue aussi par ce livre. Je n’ai pas été captivée par l’histoire.
Je vais suivre ton conseil et lire « Le bal mécanique ». Merci Eve 🙏
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elle avait des idées en jouant avec les époques mais elle n’a pas su les exploiter, ni les rendre crédibles et c’est dommage.
J’espère que « Le bal mécanique » te plaira autant qu’à moi, on est dans un autre registre 🙂
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Pour moi, Bahaus c’était un groupe de fin des années 80, début 90 !!! De tous les artistes que tu cites, je n’en connais quasiment aucun, donc peur d’être un peu perdue dans tout ce monde. Et si tu n’es pas plus enthousiasme que cela sur ce roman, je ne m’y attarde donc pas !
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j’ai commencé à m’intéresser au Bauhaus il y a pas mal de temps, mais c’est Yannick Grannec qui m’a donné envie d’en savoir plus. Et grâce à elle je connaissais la plupart des artistes de l’époque (elle m’a permis de creuser pour Gropius et une fois lancée on a envie d’en savoir plus…
pour les peintres et les musiciens pas de problèmes mais l’architecture n’est pas un domaine de prédilection 🙂
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Ton article commençait bien, pourtant.
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si les personnages avaient été plus « sympathiques » cela aurait été une belle histoire, mais la froideur qui transparait est déconcertante. Je ne regrette pas de l’avoir lu mais il y a un trop grand écart entre le Bauhaus et l’histoire qu’elle invente autour 🙂
c’est souvent le cas je trouve 🙂
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Je vais plutôt me diriger vers le roman de Yannick Grannec alors! D’autant plus que je viens de lire Les simples que j’ai adoré.
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Yannick Grannec a une belle écriture et le sujet est bien traité…
Je viens de lire ta chronique dur « Les simples » qui est dans ma PAL mais j’hésitais, vue ma passion notoire pour la botanique….
Comme quoi les a priori jouent des tours 🙂
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Bon, ben, je note le Grannec alors, et Le palais de verre. Deux titres de plus pour un de moins ^-^ !
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il est intéressant pour découvrir le Bauhaus et ceux qui l’ont propulsé, ce qu’ils sont devenus mais l’histoire des 3 héros ne m’a pas convaincue 🙂
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