Je vous parle aujourd’hui du premier roman d’une auteure de Singapour avec:
Résumé de l’éditeur:
Traduit de l’anglais (Singapour) par Mathilde Bach
Szu est une ado timide et mal dans sa peau. Elle vit recluse à Singapour avec sa mère, une ancienne star de films d’horreur devenus cultes, et sa tante. Quand elle rencontre Circé, à l’aise partout, jolie, brillante, c’est le coup de foudre et l’espoir pour elle d’échapper à l’étouffant huis clos familial. C’est aussi le début d’une amitié fusionnelle.
Une vingtaine d’année plus tard, en pleine crise existentielle et sur le point de divorcer, Circé est confrontée, au hasard d’un projet professionnel, à cette passion adolescente oubliée, et les souvenirs reviennent, bouleversants.
Alternant les points de vue et les époques, Ponti est un roman drôle, émouvant, original, qui nous plonge dans l’ambiance du Singapour contemporain.
Ce que j’en pense:
Ce roman est une histoire à trois voix : celle de Szu que s’étend surtout sur 2003, année charnière dans son existence. Adolescente mal dans sa peau, qui ne s’estime guère est rejetée au niveau scolaire, on peut parler de harcèlement, jusqu’à ce qu’elle croise la route de Circé qui devient son amie.
La seconde voix est celle de Circé, l’amie qui sera omniprésente dans les moments difficiles, au début et qui s’avèrera toxique. Chez elle l’argent coule à flots alors que Szu vit à la limite de la misère. Elles n’appartiennent pas au même milieu social ce qui fausse leur relation.
Le père de Szu a quitté la maison quand elle avait huit ans et Amisa, sa mère est une « ancienne gloire de cinéma » qui n’a en fait tourné que dans une trilogie de films d’horreur: les « Ponti » sous la direction d’un metteur en scène plutôt barge.
La troisième voix est celle de Amisa, actrice sur la touche, qui n’a jamais vraiment connu le succès,est aigrie et se comporte en mère indigne, elle n’hésite pas à dire à Szu qu’elle ne l’aime pas, qu’elle lui a gâché sa vie. Mais peut-on être une mère aimante quand on n’a pas été aimé dans son enfance? Elle a pourtant pu être maternelle avec un de ses petits frères…
Une autre personne vit avec Szu et Amisa, Yunxi sui est présentée comme la tante de l’adolescente et qui fait office de médium (de charlatan pour le père de Szu) vivant de la crédulité des personnes en souffrance qui veulent entre en contact avec leurs « chers disparus ».
Un jour, dans l’histoire d’amour-haine un évènement vient encore compliquer les choses: Amisa tombe malade…
Sharlène Teo alterne les également les périodes avec trois dates clés: 2003 pour Szu et Circé, 1968 pour Amisa et on retrouve les deux jeunes femmes curieusement en 2020.
En fait c’est Circé qui occupe le devant de la scène en 2020 car pour son travail, on ressort la fameuse trilogie « Ponti » car il est question d’en faire un remake.
Ce roman est dérangeant et j’ai eu du mal à le terminer car les histoires d’amitié toxique, de mère tout aussi toxique me hérisse un peu le poil. Cependant, les personnages sont intéressants, leurs vies familiales pleines de souffrances, de deuils sont bien exposées; les hommes ont des rôles vraiment effacés, tel le père de Szu.
j’ai découvert, un peu, la société singapourienne que je ne connaissais pas du tout, donc découverte intéressante.
Pour un premier roman c’est plutôt prometteur.
A noter au passage la très jolie couverture qui est une invitation à elle seule.
Un grand merci à NetGalley et aux éditions Buchet Chastel qui m’ont permis de découvrir ce roman.
#Ponti #NetGalleyFrance
L’auteur
Sharlene Teo est né en 1987 à Singapour. Elle a étudié en Grande-Bretagne, et décroché la bourse d’écriture de la Booker Prize Fondation.
Ponti est son premier roman.
Extraits
Aujourd’hui s’achève ma quinzième année dur cette horrible et brûlante planète. Je suis coincée à l’école, les paumes appuyées contre un mur vert. J’appuie tellement fort que mes doigts me font mal. Je suis clouée à ce mur par ma propre honte…
… Qu’est-ce qu’on peut bien y faire quand on est né avec une sale tête?
Il a dit que Yunxi était un nom inventé. Qu’elle n’était pas réellement une personne mais un violon extrêmement rare, un Stradivarius Lipinski, le seul Stradivarius sédentaire du Sud-Est asiatique…
Ce sont toujours les voix qui s’effacent en premier. Juste avant les expressions. Les tournures de phrase. Ce qui était de l’humour, ce qui était de la sagesse? On ne choisit pas ce qu’on retient et ce qu’on oublie. Avec le temps, des contre-vérités idiotes finissent même par passer pour certaines et signifiantes, telle la moisissure sur le fruit.
Ma mère et ma tante vendent de l’espoir. Le fait que les gens viennent à elles constitue déjà une garantie partielle de leur succès.
Amisa soupçonnait qu’elle était à tout le moins une des causes du malheur de sa mère. Tout comme chacun de ses frères et sœurs, d’ailleurs, mais elle plus encore.
C’est marrant, le temps qu’il faut pour s’adapter à la diminution des privilèges et la vitesse à laquelle on s’habitue au confort.
Szu demeurait tête baissée, épaules rentrées jusqu’à mesurer presque ma taille, sans jamais remettre en question l’hostilité de sa mère. Même moi, je savais que les choses ne pouvaient pas être aussi simples et qu’il ne pouvait y avoir de dénouement valorisant à ce harcèlement, cette insulte perpétuelle. Anisa blessait Szu bien plus que toutes les moqueries des filles de l’école.
La beauté est une armure. Tout le temps que j’ai connu ma mère, sa beauté l’a toujours rendue invincible.
J’ai seize ans et demi et je commence à comprendre que parfois la vie se déroule ainsi: vite, sans compensations. On croit qu’on a des décennies devant nous et tout à coup on n’a plus le temps.
Certains jours, elle emmenait sa fille au parc du coin le matin. Elle souriait aux autres femmes qui poussaient leurs landaus en pantoufles marron. Amisa était une femme qui poussait un problème. Le problème gazouillait durant les deux tours de parc.
Lu en mai 2019