« La Curée » : Emile Zola

Je continue mon exploration des « Rougon Macquart » avec ce tome 2 :

 

La curée Emile Zola

 

 

Résumé  

 

Nous voici à présent à Paris, en plein chantier grâce aux grands travaux entrepris par Napoléon III. Nous retrouvons Aristide Rougon, que nous avons suivi dans « La fortune des Rougon », vous vous souvenez sûrement de ce journaliste opportuniste qui avait tout misé sur la république et s’était fait porter pâle lors du coup d’état afin de pouvoir mieux retourner sa veste !

Plassans ne lui suffit plus, il veut aller prendre sa part du gâteau à Paris, où son frère Eugène occupe une place en vue. Il arrive avec sa femme, vivant dans un appartement sinistre, et attend dans l’ombre en piaffant que son frère lui trouve un travail lucratif.

Aristide a changé de nom pour s’appeler Saccard : « avec deux « C », hein. Il y a de l’argent dans ce nom-là ; on dirait que l’on compte des pièces d’or » de manière à rompre avec la vie d’avant et aussi pour ne pas éclabousser Eugène si les opérations tournaient mal !

Sa femme ayant eu la délicatesse de mourir, il épouse Renée, du moins sa dot. La jeune femme a été victime d’un viol et se retrouve enceinte, donc son père est bien obligé de la marier avec un homme qui accepte le déshonneur (l’argent n’a pas d’odeur, c’est connu !).

 

Ce que j’en pense

 

Dans ce roman, Zola dresse le portrait de la spéculation financière : tout est bon pour gagner de l’argent : jouer sur les terrains qui vont être racheter pour creuser les tranchées des boulevards. On surcote à tour de bras, on falsifie les documents… En fait, seule la duperie intéresse Aristide : tromper l’autre pour en tirer profit est pour lui pure jouissance. Il aime manipuler l’autre, tirer les ficelles. Il jouit de tous les plaisirs : c’est l’orgie autant de la chair que de l’argent. En bon chasseur, il multiplie les conquêtes amoureuses, il sait flairer les bonnes affaires… les boursicoteurs actuels n’ont rien inventer !

Que faire de l’argent si mal gagné ? Si certains sont économes, Aristide, lui va flamber : il remplit son coffre d’argent le matin et le vide le soir, dans des réceptions « m’as-tu vu », où le tout Paris défile, admirant au passage les toilettes et les bijoux de sa femme.

Tout se déroule selon ses plans et pour asseoir davantage sa situation, il fait venir son fils Maxime, bellâtre insignifiant, efféminé, qui aime se regarder durant des heures (comme Narcisse) dans son miroir et parler chiffons, toilettes, parfums avec ces dames et qui n’a pas beaucoup de volonté.

« Voilà un garçon qui aurait dû naître fille » murmura-t-elle (une des amies de Renée) à la voir si rose, si rougissant, si pénétré du bien-être qu’il avait éprouvé dans son voisinage. P 112

On imagine sans peine ce qui va se passer entre Renée et son beau-fils devenu son confident : elle s’offre le jeune homme, comme on s’offre un jouet, pour tromper l’ennui et  on assiste avec cet amour incestueux à une version revisitée de Phèdre.

J’ai beaucoup aimé ce tome II car la férocité de Zola est toujours présente, il règle ses comptes avec ces bourgeois, ces nouveaux-riches qui s’enrichissent sur le dos des pauvres, mais aussi nous dépeint avec brio leurs mœurs décadentes : l’oisiveté est mère de tous les vices ! Renée s’ennuie, alors elle dépense des sommes folles en vêtements, bijoux, et multiplie les amants.

Une autre personne joue un rôle non négligeable dans ce roman ; il s’agit de Sidonie, la sœur d’Aristide, qui n’est pas plus honnête que son frère et se livre à des affaires louches dans son appartement sordide et se promène toujours vêtue de sa robe noire usagée, à l’affût de tous les ragots : à l’inverse d’Aristide, elle ne dépense rien ! et c’est elle qui va arranger le mariage, comme une bonne affaire.

L’intention d’Emile Zola était de mettre en parallèle deux viols : le coup d’Etat de Napoléon III qu’il considérait comme un viol de la République, et celui dont est victime son héroïne Renée et d’analyser de manière naturaliste tout ce qui en découle pour la femme et la société. Il a parfaitement réussi. Sa vision de la femme, à travers Renée me gêne car elle est un brin misogyne : entre ses migraines, ses dépenses, son attrait pour les choses futiles, la manière dont elle se laisse dominer par la passion, l’auteur ne l’a pas gâtée !

L’auteur a repris le même procédé que dans « La fortune des Rougon » : un premier chapitre qui parle d’un fait précis et présente les héros, attisant ainsi l’intérêt du lecteur, dans « La curée », Renée et Maxime se promènent en calèche, côtoyant le tout Paris, elle s’ennuie malgré le luxe qui l’entoure ; on sait juste qu’elle a épousé un veuf du nom de Saccard ; puis dans les chapitres suivants, il revient sur ce qui leur est arrivé, comment ils se sont trouvés en présence, comme un flash-back.

J’ai adoré me promener en calèche au parc Monceau, humant Paris qui se transforme car Zola décrit fort bien la vue, le site, la nature et en particulier la Seine, toutes les belles choses qui rafraichissent le lecteur quand la spéculation ou l’oisiveté de ces gens parvenus commencent à l’irriter au plus haut point.

C’est « A nous deux Paris » donc, mais je préfère quand c’est Rastignac qui s’exprime ainsi !

C’est le tome que je préfère pour l’instant. Place maintenant au  « Ventre de Paris ».

 

Extraits  

 

Puis elle songea au coup de baguette de son mariage à ce veuf qui s’était vendu pour l’épouser, et qui avait troqué son nom de Rougon contre ce nom de Saccard, dont les deux syllabes sèches avaient sonné à ses oreilles, les premières fois, avec la brutalité de deux râteaux ramassant de l’or ; il la prenait, il la jetait dans cette vie à outrance, où sa pauvre tête se détraquait un peu plus chaque jour… Et quelque matin, elle s’éveillerait du rêve de jouissance qu’elle faisait depuis dix ans, folle, salie par une des spéculations de son mari, dans laquelle il se noierait lui-même. Ce fut comme un pressentiment rapide. P 27

 

Le collège de Plassans, un repaire de petits bandits comme la plupart des collèges de province, fut ainsi un milieu de souillure, dans lequel se développa singulièrement ce tempérament neutre, cette enfance qui apportait le mal, d’on ne savait quel inconnu héréditaire. Mais la marque de ses abandons d’enfant, cette effémination de tout son être, cette heure où il s’était cru fille, devait rester en lui, le frapper à jamais dans sa virilité. P 107

 

A vingt-huit ans, elle était déjà horriblement lasse. L’ennui lui paraissait d’autant plus insupportable que ses vertus bourgeoises profitaient des heures où elle s’ennuyait pour se plaindre et l’inquiéter. Elle fermait sa porte, elle avait des migraines affreuses. Puis, quand sa porte se rouvrait, c’était un flot de soie et de dentelles qui s’en échappait à grand tapage, une créature de luxe et de joie, sans un souci ni une rougeur au front. P 122

 

La race des Rougon s’affinait en lui, devenait délicate et vicieuse. Né d’une mère trop jeune, apportant un singulier mélange, heurté et comme disséminé, des appétits furieux de son père et des abandons, des mollesses de sa mère, il était un produit défectueux, où les défauts de parents se complétaient et s’empiraient. P 125

 

Cependant la fortune des Saccard semblait à son apogée. Elle brûlait en plein Paris comme un feu de joie colossal. C’était l’heure où la curée ardente emplit un coin de forêt de l’aboiement des chiens, du claquement des fouets, du flamboiement des torches. Les appétits lâchés se contentaient enfin, dans l’impudence du triomphe, au bruit des quartiers écroulés et des fortunes bâties en six mois. La ville n’était plus qu’une grande débauche de millions et de femmes. P 135

 

Ils eurent une nuit d’amour fou. Renée était l’homme, la volonté passionnée et agissante. Maxime subissait. Cet être neutre, blond et joli, frappé dès l’enfance sans sa virilité, devenait, aux bras curieux de la jeune femme, une grande fille, avec ses membres épilés, ses manières gracieuses d’éphèbe romain. Il semblait né et grandi pour une perversion de volupté. Renée jouissait de ses dominations, elle pliait sous sa passion cette créature où le sexe hésitait toujours. P 189

 

 

Lu en juillet 2018

6 réflexions sur “« La Curée » : Emile Zola

    1. c’est le dernier tome, je ne l’ai jamais lu. on se fait une petite idée de Pascal dans « La fortune des Rougon » car c’est un extra-terrestre par rapport à ses frères.
      « Le ventre de Paris » est un peu indigeste mais j’y prends goût 🙂

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