« La fortune des Rougon » : Émile Zola

 

Place donc à ce premier tome des « Rougon Macquart «  avec :

 La fortune des Rougon Emile Zola

 

Résumé de l’éditeur

L’histoire se situe à Plassans, une ville fictive de Provence, pendant les jours ayant suivi le coup d’état de Napoléon III. Des bandes insurrectionnelles de républicains, hostiles au coup d’état, s’étaient formées dans la région et terrorisaient les honnêtes bourgeois de Plassans. Pierre Rougon va réussir à profiter du coup d’état et de la répression qui s’en est suivie pour se faire une réputation dans la ville. Ce roman est le premier de la série les Rougon-Macquart.

 

Ce que j’en pense

 

Dans ce premier volume, on fait la connaissance des protagonistes, leurs liens de parenté, leur évolution, alors que la République est en train de trembler, le Second Empire pointant le bout de son nez. Le terrain de jeu est une ville de province imaginaire, Plassans, avec ses quartiers bien séparés les uns des autres, ses portes…

« Il y a une vingtaine d’années, grâce sans doute au manque de communications, aucune ville n’avait mieux conservé le caractère dévot et aristocratique des anciennes cités provençales. Elle avait, et a d’ailleurs encore aujourd’hui, tout un quartier de grands hôtels bâtis sous Louis XIV et sous Louis XV, une douzaine d’églises, des maisons de jésuites et de capucins, un nombre considérable de couvents. La distinction des classes y est restée longtemps tranchée par la division des quartiers. Plassans en compte trois, qui forment chacun comme un bourg particulier et complet, ayant ses églises, ses promenades, ses mœurs, ses horizons ». P 52

Emile Zola a choisi de nous présenter d’abord deux jeunes gens, Miette âgée de treize ans et son amoureux Silvère, qui se rencontrent à la tombée de la nuit pour ne pas être surpris et se découvrent. Silvère est un républicain convaincu ; il s’est instruit tout seul en lisant ce qui lui tombait sous la main et donc mal digéré selon les termes de l’auteur. Ils vont suivre le mouvement de la révolte des pauvres pour protéger la République et sont touchants, notamment Miette, enveloppée dans sa cape rouge et brandissant le drapeau.

Ensuite, l’auteur revient sur les différents protagonistes en nous décrivant la mère Adelaïde, ou tante Dide qui a eu un enfant de son premier mari : Pierre Rougon et deux autres enfants de son amant : Antoine et Ursule Macquart… On a ainsi la branche « dégénérée », pauvre, ignorante, les Macquart et celle qui va s’enrichir de manière plus ou moins brillante : les Rougon….

J’ai aimé la manière dont Zola construit ce roman, un premier chapitre qui raconte un évènement et les autres qui évoquent les personnages et leurs vies, sur fond de magouilles pour faire le bon choix et tirer les marrons du feu, opportunistes le plus souvent, retournant leur veste au bon moment estimant ne pas avoir la vie qu’ils mériteraient.

« La révolution de 1848 trouva donc tous les Rougon sur le qui-vive, exaspérés par leur mauvaise chance et disposés à violer la fortune, s’ils la rencontraient jamais au détour d’un sentier. C’était une famille de bandits à l’affût, prêts à détrousser les évènements. Eugène surveillait Paris, Aristide rêvait d’égorger Plassans, le père et la mère, les lus âpres peut-être, comptaient travailler pour leur compte et profiter en outre de la besogne de leur fils; Pascal, seul, cet amant discret de la science, menait la belle vie indifférente d’un amoureux, dans sa petite maison claire de la ville neuve. » P 99

J’avoue une préférence pour Félicité, la femme de Pierre Rougon, qui tire les ficelles de façon magistrale, avec ses réceptions tape à l’œil dans son salon jaune, tout en lorgnant sur l’appartement d’en face qu’elle rêve de conquérir. De même j’ai pris beaucoup de plaisir à détester Antoine Macquart qui représente ce qu’il y a de plus pourri dans la branche.

Adelaïde n’est pas mal non plus, avec ses crises de folie (hystérie, bipolaire ?) qui ouvre une porte durant la nuit pour pouvoir rejoindre son amant.

J’ai lu, il y a fort longtemps, « L’Assommoir » et « Germinal » mais il manquait des éléments, ce livre permet de situer tout le monde.

Une belle écriture, parfois trop d’emphase, mais le contexte historique est tellement bien utilisé (cela permet de réviser !). Zola a voulu faire pour le Second Empire, ce que Balzac avait réalisé pour la Restauration et la Monarchie de Juillet, il ne s’en est jamais caché mais « Ne pas faire comme Balzac. S’attacher moins aux personnages qu’aux groupes, aux milieux sociaux… Et il n’y a pas d’ouvriers chez Balzac » écrit-il.

Je préfère l’écriture de Balzac, même si digressions, car il est moins chirurgical. A force de vouloir étayer sa théorie, Zola est trop dans l’opposition entre le bien et le mal, il oppose les personnages de manière trop tranchée et soulève moins d’émotions chez moi. Il n’en reste pas moins que sa férocité est jubilatoire pour le lecteur.

En route pour « La Curée »!

Challenge XIXe siècle

Extraits

 

A onze heures en été, à dix heures en hiver, on fermait ses portes à double tour. La ville, après avoir ainsi pousser les verrous comme une fille peureuse, dormait tranquille. P 53

 

Pierre Rougon était un fils de paysan. La famille de sa mère, les Fouque, comme on les nommait, possédait, vers la fin du siècle dernier, un vaste terrain situé dans le faubourg, derrière le cimetière Saint-Mittre… Les Fouque étaient les plus riches maraîchers du pays et fournissaient de légumes tout un quartier de Plassans. Le nom de cette famille s’éteignit quelques années avant la révolution. Une fille seule resta : Adélaïde… P 56

 

Un paysan qui commence à sentir la nécessité de l’instruction devient, le plus souvent, un calculateur féroce. P 68 

 

Sans la moindre dot, désespérant d’épouser le fils d’un gros négociant, elle préférait mille fois un paysan qu’elle comptait employer comme un instrument passif, à quelque maigre bachelier qui l’écraserait de sa supériorité de collégien et la traînerait misérablement toute la vie à la recherche de vanités creuses. Elle pensait que la femme doit faire l’homme. Elle se croyait la force de tailler un ministre dans un vacher. P 78 (à propos de Félicité) 

 

L’autre fils Rougon, Pascal, celui qui était né entre Eugène et Aristide, ne paraissait pas appartenir à la famille. C’était un de ces cas fréquents qui font mentir les lois de l’hérédité. La nature donne souvent ainsi naissance, au milieu d’une race, à un être dont elle puise tous les éléments dans ses forces créatrices. P 92  

 

Un prêtre, lorsqu’il désespère, n’en lutte que plus âprement ; toute la politique de l’Eglise est d’aller droit devant elle, quand même, remettant la réussite de ses projets à plusieurs siècles, s’il est nécessaire, mais ne perdant pas une heure, se poussant toujours en avant d’un effort continu. Ce fut donc le clergé qui, à Plassans mena la réaction. La noblesse devint son prête-nom, rien de plus ; il se cacha derrière elle, il la gourmanda, la dirigea, parvint même à lui rendre une vie factice. P 104

 

Lu en juillet 2018

17 réflexions sur “« La fortune des Rougon » : Émile Zola

      1. Tu as raison, c’est mieux en effet. Mon côté « rebelle des bacs à sable » a fait que je les ai lus dans le désordre mais il faudra que je « m’impose » (avec plaisir) une relecture dans l’ordre.

        Aimé par 1 personne

    1. Balzac est mon écrivain préféré, que je lis ou je relis régulièrement 2 ou 3 ouvrages par an surtout des nouvelles depuis 2 ans. J’essaye de lire « La Comédie Humaine » dans l’ordre aussi!!!
      Je continue les Rougon avec plaisir. Je traîne un peu sur le T3 j’avoue!
      mon trio de tête est : Balzac, Maupassant et Zola (dans l’ordre ou le désordre selon la période de ma vie 🙂

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