Retour à l’opération « libération PAL au bord de l’explosion » avec ce roman qui attendait patiemment depuis quelques années:
Quatrième de couverture:
« Le fusil de chasse » raconte l’histoire d’une liaison entre un homme marié, Josuké, et une jeune femme divorcée, mère d’une grande fille. Trois lettres, trois récits à la première personne forment les trois faisceaux du drame. Il y a la lettre de la jeune fille qui expose à Josuké qu’elle a lu le journal de sa mère et qu’elle sait comment et pourquoi celle-ci est morte. Il y a la lettre de la femme légitime qui explique pourquoi elle ne le reverra plus. Il y a la lettre de la maîtresse écrite avant son suicide. Au centre, omniprésent, l’homme solitaire avec son fusil de chasse. De lettre en lettre, se dévoilent au lecteur les différents aspects de cette tragédie.
En découvrant « le fusil de chasse », Jean d’Ormesson avait écrit: « c’est un chef-d’œuvre… Le tout est d’une sobriété et d’une force remarquables, sans aucun éclat de voix, d’une intensité glacée et brûlante à la fois ».
Ce que j’en pense:
Après avoir envoyé, après avoir beaucoup hésité, son cœur ne penchant pas du côté des chasseurs, un poème à une revue de chasse, le narrateur a la surprise de recevoir la lettre de Josuké, qui s’est reconnu le portrait du chasseur évoqué dans le poème. Il va lui envoyer également trois lettres émanant de femmes qui ont compté dans sa vie dans des registres différents.
Yasushi Inoué nous raconte une histoire de secrets: l’amour secret qu’il éprouve pour Saïko qui vient de mourir et leur liaison dissimulée, du moins le croyaient-ils tous les deux. Hélas, la femme légitime les avait surpris, au début de leur mariage et a accumulé les rancœurs pour ne pas dire la haine, et les non-dits au fil des années.
On ne dira jamais assez à quel point les secrets pèsent sur les vies, avec la culpabilité de la maîtresse qui la ronge et l’empêche de vivre cet amour au jour le jour et les jalousies qui consument les deux femmes car, malgré ce contexte, les deux femmes et Josuké sont des amis proches!
L’auteur nous décrit très bien aussi la capacité de l’homme à s’aveugler, et ne pas voir ce qui se passe dans son couple ou dans sa liaison amoureuse: je vais bien, tout va bien, et on assiste à son désarroi…
« En vérité, toutes sortes de chagrins se précipitent sur moi de toutes parts, telles les vagues blanches d’écume, à Ashiya, les jours de grand vent, et ces chagrins me plongent dans la confusion. Il n’empêche, je veux continuer ». P 22
La lettre de Shoko, fille de Saïko, est très touchante car elle découvre le secret enlisant le journal intime de sa mère (il faut bien confier sa peine à quelqu’un pour vivre dans le mensonge!) donc les illusions s’envolent car elle aimait bien Josuké, qui a si bien su gérer les formalités lors de la mort de sa mère.
Cette mort sert de catalyseur, faisant exploser cette relation triangulaire toxique libérant Midori de ses scrupules à quitter son époux. Chacun sort transformé de cet évènement.
Au passage, Yasushi Inoué nous livre une très belle réflexion sur le thème: vaut-il mieux aimer ou être aimé?
J’ai adoré ce texte, très court, plein de poésie et tout en retenue; il n’y a pas de disputes, pas de clash, les ruptures se font en douceur, presque trop d’ailleurs et cela nous rappelle au passage la différence entre les cultures asiatiques et occidentales.
Un auteur dont je vais continuer à explorer l’œuvre. Je ne dirai jamais assez à quel point le Japon et sa culture me fascinent!
Extraits:
En plus des trente couleurs au moins que contient une boîte de peinture, il en existe une qui est propre à la tristesse et que l’oeil humain peut fort bien percevoir. P 23
Je croyais que l’amour gagnait peu à peu en puissance, tel un cours d’eau limpide qui scintille dans toute sa beauté sous les rayons du soleil, frémissant de mille rides soulevées par le vent et protégé par des rives couvertes d’herbe, d’arbres et de fleurs. Je croyais que c’était cela l’amour. Comment pouvais-je imaginer un amour que le soleil n’illumine pas et qui coule de nulle part à nulle part, profondément encaissé dans la terre, comme une rivière souterraine. P 24
Quand nous jetons un regard sur le passé, notre mariage, qui n’existe que de nom, semble avoir durer très longtemps, n’est-ce pas? Alors n’as-tu pas envie d’en finir une fois pour toutes? Certes, il est assez triste d’en arriver là, mais, si tu n’y vois pas d’objection, prenons tous les deux les mesures propres à retrouver notre liberté. P 48
… Et, de fil en aiguille, nous avons atteint cet actuel degré de froideur, ce merveilleux esprit de famille si glacial que l’un et l’autre nous avions souvent l’impression que nos cils étaient raidis par le givre. P 58
Ainsi n’avons-nous jamais eu de scènes. La tranquillité de nos citadelles respectives n’a jamais été troublée. Seule l’atmosphère qui régnait chez nous était devenue étrangement orageuse, menaçante, irritante comme la chaleur dans le désert. P 59
Je reçois le châtiment mérité par une femme qui, incapable de se contenter d’aimer, a cherché à dérober le bonheur d’être aimée. P 89
Lu en septembre 2017
C’est une culture que je ne connais presque pas. Raison de plus, avec ce que tu en dis, de le découvrir. Je le note !
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j’aime bien Haruki Murakami, et je garde un bon souvenir de Kawabata (« Pays de neige » et « Les belles endormies » il a très longtemps).
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Tu es donc en phase avec d’Ormesson.
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c’est exact! je suis souvent en phase avec lui (beaucoup il y a quelques années, moins les 10 dernières en gros car je trouve qu’il en fait trop, c’est dommage!)
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C’est noté ! 😉
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il devrait te plaire 🙂
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J’ai du mal à lire cet auteur pourtant le thème me plait. Les histoires d’amour finissent toujours mal…
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il n’y a pas de tristesse morbide ou de pathos dans ce livre 🙂
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