« Boule de suif… » de Guy de Maupassant

J’ai commencé à vraiment découvrir Maupassant en regardant l’émission « Apostrophe » durant laquelle Giscard d’Estaing, président de la République, était venu parler à Bernard Pivot de ses auteurs préférés, fin des années 70 et de sa passion pour cet auteur. Illico, j’avais foncé sur des nouvelles, je ne sais plus lesquelles… et la magie a opéré tout de suite.

Je viens de relire ce livre, publié dans la collection « Les grands Ecrivains » choisis par l’Académie Goncourt.

 Boule de suifet... de Guy de Maupassant

Résumé proposé par les classiques du livre de poche

« Boule de Suif, le conte de mon disciple dont j’ai lu ce matin les épreuves, est un chef-d’œuvre, je maintiens le mot, un chef-d’œuvre de composition, de comique d’observation. »
Paul Morand n’est pas moins enthousiaste que Flaubert : « une grande nouveauté, une parfaite réussite », souligne-t-il, tout en comparant la nouvelle à l’Olympia de Manet.

Issue, seule de son espèce, d’une sorte de concours littéraire lancé lors d’une des soirées de Médan, « Boule de Suif » fait figure non de manifeste, mais d’accomplissement. Le bonheur d’un titre, la virtuosité d’un conteur qui joue sur tous les registres – y compris le comique -, servis par une plume souple et ferme à la fois, employée à peindre la cupidité aussi bien que l’amour, les préjugés ou le bonheur, n’y sont pas étrangers.

Mais quelle recette mystérieuse et efficace est ici à l’œuvre ? Maupassant à son meilleur saisit « dans leurs côtés cruels les réalités de la vie », non sans dégager de cet amalgame soigneux de bourgeois avides et d’humiliés perdus une poésie âcre et forte.

Ce que j’en pense

Ce livre propose vingt et une nouvelles, à commencer par « Boule de suif » qui est un bijou qui nous raconte le voyage d’une « fille de joie » qui tente de rejoindre Rouen pour échapper à l’invasion prussienne, en compagnie de gens « bien comme il faut », notables, bourgeois, catholiques, sans oublier deux bonnes sœurs accrochées à leurs chapelets.

C’est une critique féroce de la bourgeoisie bienpensante de l’époque (mais les choses ont-elles changé ?) qui se permet de porter des jugements à l’emporte-pièces, sur le bien le mal, l’hypocrisie, le mépris vis-à-vis de cette femme qu’on envoie à l’abattoir, pour pouvoir continuer la route.

On regarde avec ironie et condescendance sa surcharge pondérale, mais on n’a plus de scrupules quand il s’agit de partager ses provisions au cours du chemin, car elle avait été plus prévoyante qu’eux.

On fait pression sur elle pour qu’elle partage le lit de l’officier prussien qui prend le petit groupe en otage, parce qu’après tout c’est son métier, alors qu’elle-même refuse de « pactiser avec l’ennemi ». Ce sont les mêmes qui la condamnent et la traitent par le mépris ensuite, sans aucune reconnaissance pour le sacrifice qu’elle a accompli.

Parmi les autres nouvelles, j’ai bien aimé : « La moustache », accessoire érotique indispensable et irrésistible pour Jeanne, « Le lit 29 » où Irma, contaminée par les Prussiens qui ont abusé d’elles décide de ne pas se soigner pour contaminer un maximum d’officiers ennemis.

« Une vendetta » nous raconte la vengeance diabolique et extraordinaire d’une mère contre celui qui a tué son fils unique.

Autre nouvelle intéressante : « La chevelure » dans laquelle Maupassant trace un bon portrait du fétichisme et de l’obsession qui conduisent à la folie.

L’auteur nous propose une réflexion sur la mort, avec une référence à Schopenhauer et un hommage à la lecture au passage, dans une très courte nouvelle « Auprès d’un mort ».

La magie opère toujours, j’aime tellement cette écriture !!! c’est un des rares auteurs dont j’ai les œuvres entières dans la Pléiade !!! Avec « Les fables » de La Fontaine et depuis Noël dernier, Zweig… et que je relis encore et encore.

J’ai vu toutes les adaptations télévisées des nouvelles de Maupassant, et, moi qui trouve que c’était toujours mieux avant, j’ai beaucoup aimé l’adaptation TV avec Marie-Lou Berry dans le rôle de Boule de Suif. Ces nouvelles n’ont pas pris une ride!

Maupassant fait partie de mon tiercé parmi les auteurs français du XIXe siècle, avec Balzac et Zola, et Stendhal n’est pas loin, tiercé qui, selon les époques de ma vie, a été dans l’ordre ou le désordre !!!

Challenge XIXe siècle

 

Extraits

Les vases du fleuve ensevelissaient ces vengeances obscures, sauvages et légitimes, héroïsmes inconnus, attaques muettes, plus périlleuses que les batailles au grand jour et sans le retentissement de la gloire.

Car la haine de l’Étranger arme toujours quelques Intrépides prêts à mourir pour une Idée. P 12 « Boule de Suif »

Quand il y a des gens qui font tant de découvertes pour être utiles, faut-il que d’autres se donnent tant de mal pour être nuisibles ! Vraiment, n’est-ce pas une abomination de tuer des gens, qu’ils soient Prussiens, ou bien Anglais, ou bien Polonais, ou bien Français.

Ces hommes de lettres, vraiment, ne savent rien du monde. Ils ignorent tout à fait comment on pense et comment on parle chez nous. Je leur permettrais parfaitement de mépriser nos usages, nos conventions et nos manières, mais je ne leur permets point de ne pas les connaître. P 81 « La moustache »

Je suis possédé par le désir des femmes d’autrefois ; j’aime, de loin, toutes celles qui ont aimé ! – L’histoire des tendresses passées m’emplit le cœur de regrets. Oh ! la beauté, les sourires, les caresses jeunes, les espérances ! Tout cela ne devrait-il pas être éternel ? P117 « La chevelure »

Le passé m’attire, le présent m’effraie parce que l’avenir c’est la mort. Je regrette tout ce qui est fait, je pleure tous ceux qui ont vécu ; je voudrais arrêter le temps, arrêter, l’heure. Mais, elle va, elle passe, elle me prend de seconde en seconde un peu de moi pour le néant de demain. Et je ne revivrai jamais. P 117

Alors, il ne remuait plus, il lisait, il lisait de l’œil et de la pensée ; tout son pauvre corps expirant semblait lire, toute son âme s’enfonçait, se perdait, disparaissait dans ce livre jusqu’à l’heure où l’air rafraichi le faisait un peu tousser. Alors, il se levait et rentrait. P 189 « Auprès d’un mort »

Lu en mai 2017

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